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lettre les prescriptions du haut commandement, c’est-à-dire qu’il dispose ses forces au Nord-Nord-Ouest, « perpendiculairement » à la 2e armée.

Ainsi, la 1re armée fait avec celle-ci, le 24 au soir, exactement un angle droit ; son front principal s’étendant de la trouée de Charmes à Raon-1’Etape, tandis que les unités formant barrage plus à l’Est dessinent une nouvelle ligne dont la convexité est au Ban-de-Sapt, face au débouché de l’ennemi par la vallée de la Bruche. Au même moment, la 2e armée, occupant l’autre côté de l’angle droit, est installée, du Sud au Nord, sur les hauteurs de Belchamps, de Saffais et sur tout le Grand-Couronné jusqu’à Sainte-Geneviève. Le piège est bien tendu. L’ennemi s’y engagera-t-il ?

Le doute semble régner dans la 2e armée jusque dans la matinée du 24 août. Toutefois, on s’attend à une forte attaque, et les contacts sont pris :


24 août, 2 heures du matin (4e bataillon de chasseurs). — Nous voilà repartis sur Dombasle ; de là, on gagne les hauteurs de Flainval. Nous sommes en soutien d’artillerie sur une petite crête abritée par un verger et qui domine tout le versant de la frontière, avec les petits villages dans le fond. On s’empresse de creuser une tranchée pendant qu’il fait encore sombre. Nous avons deux batteries de 75 en position derrière nous. À peine le petit jour vient-il de poindre, qu’un ouragan de fer passe au-dessus de nos têtes : ce sont nos batteries qui ont aperçu un mouvement de l’ennemi, comme nous l’avons su plus tard. Un quart d’heure se passe, et un taube ayant survolé nos positions, les Boches se mettent à tirer sur la batterie qu’ils croient avoir découverte. Les obus de tous calibres pleuvent ; mais plus ils tirent, plus nos 75 répondent. Nous restons là quatre heures, le nez dans la terre qui tremble, pour laisser passer cette grêle de mitraille.


À cette heure décisive, le général de Castelnau, après l’effort qu’il vient d’accomplir, se sent maître de ses moyens : son armée s’est reformée ; ses troupes sont en état de livrer bataille sur le terrain qu’elles occupent ; elles demandent le combat. « Quelqu’un avait dit, ce soir-là : « Demain, nous prendrons l’offensive ! » Cette parole murmurée trouva mystérieusement un écho dans les âmes[1]. »

Le mouvement de repli ne doit pas être poussé plus loin. Les ordres sont donnés, dès le 24 au matin, pour une défensive

  1. Christian-Frogé, Morhange et les marsouins en Lorraine. Berger-Levrault, 1917, in-12, p. 89.