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entre eux du tabac qu’ils ont pris aux Boches à Sarrebourg. Pour les mettre en confiance, le commandement a donné l’ordre à tous les avions français de l’armée d’évoluer au-dessus des troupes. Enfin, nous voici à Ortoncourt.


Le 8e corps en entier, le 23 août au soir, est sur la ligne Damas-aux-Bois, Haillainville et Fauconcourt. A sa gauche, il a laissé, dans la journée, le 2e bataillon alpin pour contenir l’ennemi et l’empêcher, notamment, de franchir la Mortagne avant la fin de la retraite du corps d’armée, la reconstitution des unités et leur liaison avec la 2e armée. Il s’agit, avant tout, d’assurer la sécurité des mouvemens qui permettront d’établir solidement le barrage de la trouée de Charmes.

C’est ici que se place l’épisode héroïque de la défense de Gerbéviller et de la Mortagne par une poignée d’hommes, défense qui permit la sécurité de la retraite du 8e corps, retint une journée entière une brigade bavaroise, mais excita à un tel degré la colère de l’ennemi que le martyre de Gerbéviller en fut l’immédiate conséquence. Un détachement de 54 alpins du 2e bataillon, commandé par l’adjudant Chèvre, un enfant du pays, reçut, dans la nuit du 23 au 24 août, l’ordre de tenir coûte que coûte les ponts de la Mortagne qui relient les deux parties du bourg. Des barricades furent établies. La brigade bavaroise du général Clauss occupait les abords de Gerbéviller. Vers neuf heures du matin, le 24 août, commença une fusillade acharnée ; l’ennemi canonna des hauteurs de Fraimbois jusqu’à cinq heures du soir. Les 54 alpins, après avoir infligé des pertes énormes aux Bavarois, se replièrent sans être vus, à la fin de la soirée, et l’ennemi entra dans le bourg, qui fut mis à feu et à sang.

Ainsi, du 23 soir au 24 soir, toute une brigade allemande avait été tenue en respect par une cinquantaine d’hommes à près de 15 kilomètres en avant des cantonnemens du 8e corps ! La magnifique conduite de cette troupe, que l’on eût crue sacrifiée, permit aux chefs d’apprécier le peu de mordant de l’ennemi et de donner quelque repos au 8e corps, qui en avait tant besoin !

Dans cette journée du 23 août, à droite du 8e corps, le 13e corps descendait des hauteurs de Montreux sur Baccarat et gagnait les bords de la Mortagne où il cantonnait sur Saint-Maurice, Roville-aux-Chênes et Anglemont. Le 21e corps,