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La partie du territoire français sur laquelle l’armée du général Dubail et l’armée du général de Castelnau évoluent dans leur marche en retraite, forme un vaste triangle dont la base est la frontière, depuis le signal de Xon jusqu’au mont Donon, et la pointe le village de Rozelieures à l’entrée de la trouée de Charmes. Le point médian de ce triangle est approximativement Lunéville. De Lunéville les routes venues de la Lorraine et de l’Alsace conduisent à la trouée de Charmes.

Dans les journées des 20 et 21, l’armée du général Dubail a été obligée d’abandonner le mont Donon et de se mettre en retraite sur la Meurthe et sur la Mortagne. L’armée du général de Castelnau a perdu, de son côté, la ligne de la frontière ; elle s’est repliée en faisant demi-cercle à droite, de façon à occuper les hauteurs du Grand-Couronné qui défendent Nancy. Le péril de cette disposition est le suivant : les deux armées, par ce double mouvement, se sont séparées l’une de l’autre ; entre elles une fissure s’est produite ; et cette fissure se trouve précisément dans la région de Lunéville, en face de la trouée de Charmes. Grande tentation pour l’ennemi de se précipiter par cette porte qui s’ouvre devant lui et de gagner vivement l’objectif qui est le sien, la fameuse trouée. Mais le haut commandement français voit le coup et fait ce qu’il faut pour y parer. Il combine les deux journées qui auront pour objet et pour résultat d’attirer l’ennemi et de le prendre, pour ainsi dire, dans la souricière.

La préparation de cette heureuse reprise tire parti, comme il est naturel, de la disposition du terrain : l’armée Dubail résistera sur les lignes successives des rivières qui prennent la plaine en écharpe, la Vezouse, la Meurthe, la Mortagne, pour barrer la route aux armées allemandes, tandis que le général de Castelnau s’organisera et s’appuiera sur le Grand-Couronné de Nancy, soit pour défendre la ville, soit pour manœuvrer au cas où l’ennemi marcherait directement sur la trouée de Charmes.

La position du Grand-Couronné devient ainsi la base de notre contre-offensive dans l’Est.


I. — LE GRAND-COURONNÉ

La défense naturelle de Nancy se compose de deux parties, l’une Est et l’autre Ouest, qui forment comme une amande dont