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sur Neufchâteau et Troyes. Le kronprinz descend du Luxembourg, laisse Verdun de côté et s’avance sur Bar-le-Duc et Troyes. Le rendez-vous général est donné approximativement sur les bords de la Seine.

La direction du mouvement de von Klück est connue ; la direction du mouvement du prince de Bavière résulte d’un ordre saisi sur l’ennemi et qui porte comme objectif Rozelieures, c’est-à-dire la trouée de Charmes ; la direction du mouvement du kronprinz nous est révélée par un ordre du 6 septembre donnant encore à cette date, pour objectif à sa cavalerie, Dijon. L’ensemble du plan explique la place attribuée aux deux princes héritiers, le kronprinz et le prince héritier de Bavière : on les met à la tête des deux armées qui, dans la pensée du haut commandement allemand, doivent jouer finalement le rôle principal et cueillir les plus beaux lauriers.

Tout le monde sait comment la réalisation de ce plan fut empêchée dans l’Ouest par la bataille de l’Ourcq et la victoire de la Marne : von Kluck, mis en retrait d’emploi, se débat sous le poids de la faute qu’il a commise en mésestimant son adversaire et en se laissant surprendre par la magnifique manœuvre du général Joffre. Mais de ce qui s’est passé dans l’Est, où la manœuvre française fut également habile et fortement exécutée, on sait peu de chose. C’est de cette bataille de l’Est que je voudrais donner un aperçu aujourd’hui en la considérant à part dans l’ensemble du grand drame militaire qui dura vingt-deux jours, et qui décida du sort de la guerre : la Bataille des frontières.

Les rencontres de l’Est ont leur point culminant dans la Bataille de la trouée de Charmes.

Deux armées allemandes, commandées, l’une par le prince Ruprecht de Bavière, l’autre par le général von Heeringen, débouchant la première de Metz et de la Lorraine annexée, la deuxième de Strasbourg et de l’Alsace par le Donon et les cols des Vosges, marchent sur la trouée. Si elles passent, nos places de l’Est sont tournées et l’armée du général Joffre est prise à revers. Or, elles ne passent pas. La 1re et la 2e armées françaises les arrêtent et les forcent à reculer. On peut dire que l’une des branches de la tenaille fut, dès lors, sinon brisée, du moins faussée. Le 25 et le 26 août 1914 sont donc déjà des journées décisives.

La 1re et la 2e armées françaises avaient pris l’offensive dès le 14 août. Combinant leur mouvement avec celui de l’armée qui