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c’est-à-dire qu’un sous-marin de 200 tonnes, lorsqu’il naviguait à la surface, n’émergeait que d’une dizaine de tonnes. Il suffisait donc de le surcharger d’une dizaine de tonnes d’eau pour qu’il s’enfonçât sous l’eau conformément au principe découvert par l’ingénieur Archimède. Cette petite surcharge d’eau nécessaire à la plongée des premiers sous-marins, on la leur procurait en ouvrant au moment voulu les vannes des réservoirs ménagés dans la coque du bâtiment et qu’on appelle les water-ballasts dans cet horrible jargon que l’entente cordiale elle-même n’a pas encore réussi à rendre digestible aux platoniques amans de la langue de Voltaire.

Mais ces sous-marins lourds, bas sur l’eau, étaient par-là même très résistans à l’avancement, c’est-à-dire ne pouvaient avoir qu’une faible vitesse ; il est clair en effet que, de deux vaisseaux de dimensions identiques et munis de moteurs égaux et dont l’un plonge beaucoup moins que l’autre dans l’eau, le premier ira beaucoup plus vite, ayant à vaincre beaucoup moins de résistance liquide (la résistance de l’air est négligeable à côté) : un objet quelconque, une balle de fusil par exemple, projetée avec une force donnée ira beaucoup plus vite et plus loin dans l’air que dans l’eau[1]. En outre ces sous-marins entraient facilement dans la lame, étaient traversés même en surface par les vagues, ce qui les rendait difficilement habitables par mer grosse et impropres aux randonnées en haute mer et à la navigation par mauvais temps.

La question changea de face et ces défauts des sous-marins disparurent lorsque notre éminent compatriote M. Laubeuf, ingénieur des constructions navales, eut l’idée de leur donner une grande flottabilité. On appela submersibles les navires ainsi créés. La flottabilité y atteint des valeurs presque aussi grandes que dans les torpilleurs ordinaires. Ainsi dans le Narval de Laubeuf elle était d’environ 42 pour 100, c’est-à-dire que, à la surface, 42 pour 100 du tonnage total émergeait, celui-ci étant d’ailleurs voisin de 200 tonneaux. Dans tous les submersibles construits depuis sur le type plus ou moins modifié de Laubeuf, cette modification fondamentale subsiste ; et la flottabilité y varie de 20 à 40 pour 100, c’est-à-dire qu’elle est de 4 à 8 fois plus considérable que dans les sous-marins antérieurs. Elle est par exemple d’environ 30 pour 100 dans les submersibles des types Aigrette et Pluviôse, d’environ 33 pour 100 dans nos types plus récens, d’environ 17 pour 100 dans les submersibles italiens du

  1. De ce fait la vitesse des sous-marins est de 20 à 40 pour 100 plus faible en plongée qu’à la surface.