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REVUE SCIENTIFIQUE

LA TORPILLE ET LES IMMERSIBLES

Dans un de ces entretiens où la science, sans y rien perdre, se fleurit élégamment de charme littéraire, et où Fontenelle expose la théorie de la gravitation des astres, la marquise fictive qui est son interlocutrice s’écrie soudain : « La philosophie est donc devenue terriblement mécanique. » Si elle ressuscitait de nos jours, la rêveuse marquise, se souvenant du temps des mousquetaires, s’écrierait sans doute : « La guerre est donc devenue terriblement mécanique ;… » et ce serait assurément le seul rapport qu’elle pût trouver entre la guerre et la philosophie.

Cette domination monstrueuse des machines dans la lutte actuelle, si sensible déjà sur le front de terre, est peut-être plus impressionnante encore dans la guerre navale, et il n’est point d’engin qui enferme en ses flancs autant d’ingéniosité mécanique, autant de science diaboliquement pervertie que la torpille qui, chaque semaine, sur les côtes de l’Europe et ces jours passés jusque sur celles de la lointaine Amérique fait les ravages que l’on sait.

La torpille est au sous-marin ce que l’obus est au canon. L’un est la raison d’être de l’autre, et je voudrais examiner brièvement ici les causes qui font de chacun de ces engins, ou plutôt de leur combinaison, le plus foudroyant des agens de destruction. La torpille n’étant elle-même qu’un sous-marin automatique en miniature, il est naturel que nous nous occupions d’abord du sous-marin lui-même. Son rôle stratégique et commercial a été déjà maintes fois traité ici même de main de maître par M. l’amiral Degouy au cours de ses pénétrans