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président, prie la Convention nationale de prononcer sur mon incertitude, et je pars ou je reste, au gré de sa volonté. » Le 15 frimaire, la Convention lui commanda de rester. Mais, le 19 frimaire, il partit pour Paris : il avait à se débarrasser de Roux-Fazillac ; il avait aussi à se garer d’une dénonciation qu’avait lancée contre lui le district de Ribérac. Pas plus que Bergerac et Périgueux ne vivaient en bel accord, Ribérac et Bergerac ne fraternisaient depuis que la fraternité, sous les ordres de Lakanal, sévissait dans le département. Lakanal, à Paris, semble avoir éprouvé quelques désagrémens. Il écrit à la Société populaire de Bergerac que les membres du Comité de Salut public l’ont embrassé : oui ; mais ne vont-ils pas l’envoyer à La Rochelle et Rochefort, où l’on a besoin d’un Montagnard pur et patriote ? Il raconte, en outre, qu’il est retenu à Paris comme l’un des « épurateurs » de la Société des Jacobins. Ce n’est pas vrai, d’ailleurs : il se vante et il tâche d’expliquer joliment son absence. Le 7 nivôse, et autant dire le 27 septembre, il est décidément attaché au département de la Dordogne. Mais il ne rentre pas à Bergerac avant le milieu de janvier 1794. Un mois plus tard, le Comité de Salut public l’invite à rejoindre l’armée de l’Ouest : en un mois, il a sans doute organisé le gouvernement révolutionnaire dans la Dordogne ; maintenant, à l’armée de l’Ouest, il organisera la cavalerie. Comme on le voit, la Convention ne manque pas d’attribuer à ses membres une variété de compétence qui leur fait grand honneur. Un Lakanal vous organise une manufacture d’armes, le gouvernement révolutionnaire et la cavalerie, quoi encore ? tout ce qu’on voudra, sans plus d’hésitation que naguère pour enseigner le rudiment. Néanmoins, l’armée de l’Ouest ne le tente pas. Il écrit au Comité de Salut public : « Vous voulez que je me rende à l’armée de l’Ouest pour l’encadrement des chevaux. Vos demandes seront toujours des ordres pour moi… » Mais, s’il encadre les chevaux, qui donc, à Bergerac, s’occupera de la manufacture ? On le laisse à Bergerac : et, le 17 avril, il est à Paris. Il retourne à Bergerac ; et, le 6 mai, le Comité l’envoie dans le département de Lot-et-Garonne, à Lauzun, où il réprime des « menées contre-révolutionnaires. » Après cela, le Comité ne le dérange plus, ne le somme plus d’achever sa mission : c’est lui qui se lasse de Bergerac. Le 14 thermidor, il apprend la chute de Robespierre ; le 21 thermidor, il est à Paris et monte à la tribune de la Convention pour approuver la déconfiture de ce « nouveau Pisistrate. » Il n’ira plus à Bergerac : le représentant Pellissier l’y remplace.

Voilà des conditions de travail assez fâcheuses. Sur les dix mois