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33 364 728 kilos fut à peine inférieure à ce qu’elle avait été en 1914 et le métier devint extrêmement rémunérateur en raison du prix du poisson qui de 0 fr. 627, prix moyen de vente au kilo, passa à 1 fr. 176 ; soit près du double. C’est à Bordeaux que les arrivages de morue sont les plus importans, à cause des sécheries qui y sont installées. Ce port a reçu, en 1915 : 25 775 424 kilos, d’une valeur de 30 720 427 francs. La campagne de 1915 a donné lieu à quelques incidens pittoresques. A Cancale, les femmes des pêcheurs dont les maris n’avaient pas été démobilisés, se livrèrent à de bruyantes manifestations. Les Cancalaises sont connues pour leur turbulence ; on prétend « qu’elles portent la culotte, » et elles ne perdent aucune occasion d’affirmer leur indépendance.

Le calme cependant ne tarda pas à renaître, ce qui permit, en 1916, de suivre l’exemple de l’année précédente. Tous les chalutiers ayant été réquisitionnés, le nombre des voiliers fut, par compensation, porté à 94. Deux d’entre eux ayant été coulés par des sous-marins et un s’étant jeté à la côte, il en reste encore 91 pour effectuer une campagne de pêche qui se présente d’ailleurs, dès maintenant, sous une apparence favorable. On s’est arrangé, par esprit d’équité, pour ne pas accorder les sursis aux hommes qui en avaient profité en 1915. Ceux-ci ont, en effet, réalisé des bénéfices sérieux. Au moment de mon passage à Bordeaux, la Marie-Blanche entrait en rivière avec 203 000 kilos de morue et 37 000 kilos de faux poissons d’une valeur totale de 300 000 francs environ, ce qui représente une part de pêche de plus de 2 200 francs par matelot, le chiffre de 2 000 francs étant la moyenne des salaires obtenus par les pêcheurs. Les prix ont d’ailleurs tellement monté qu’on a jugé nécessaire de les taxer à des taux maxima qui varient de 1 fr. 55 à 0 fr. 47 la livre, selon la grosseur et la qualité des poissons (Journal Officiel du 13 octobre 1916).

On serait tenté de croire que les goélettes qui n’ont pas été autorisées à appareiller pour les bancs sont restées inactives dans leur port d’attache. Passez à Saint-Servan, à Saint-Malo, à Paimpol : c’est à peine si vous y verrez quelques barques désarmées. Le ministre de la Marine a autorisé l’armement au cabotage de ces goélettes, afin qu’elles contribuassent au ravitaillement général. A défaut de pêcheurs, on leur a trouvé des équipages parmi les R. A. T., et en moins de trois mois, on a