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Tandis que j’attends l’ennemi,
Les yeux fixés vers la brume lointaine,
Moi, le chef, j’écoute l’haleine
Des jeunes soldats endormis.
Ils dorment, leur âme légère
Chasse l’image des combats.
Ils sourient, ils ne pensent pas
A leur sublime misère.
Ils rêvent doucement aux choses de la vie,
A la femme, à l’enfant, à la moisson bénie…


Nous empruntons ces vers à certains Chants de guerre, dont M. Pierre Lasserre, le philosophe, le critique et l’historien que vous connaissez d’ailleurs, est tout ensemble le poète et le musicien. Pour la seconde fois[1], nous recommandons ce recueil à nos lecteurs. Ils y trouveront les accens les plus variés et les plus justes : rien de banal, encore moins de vulgaire ; la gravité, la force et l’enthousiasme en certaines odes ; ailleurs, comme en cette élégie militaire, si les deux mots se peuvent associer, une mâle, noble et fraternelle tendresse. Enfin, récente et comme encore chaude de la présente guerre, toute proche du sujet ou du modèle, cette musique en porte la ressemblance, en reflète la flamme. Elle a sur nous une prise immédiate et profonde. Musique de soldats, elle ne l’est point de soldats imaginaires et lointains, mais des nôtres, de ceux-là mêmes qui tous les jours, à tout moment, combattent, souffrent et meurent pour nous.


Dans le musée, ou, plus modestement, la galerie militaire et musicale que nous parcourons ensemble, les portraits, comme les tableaux, abondent. Parmi ces figures isolées, il y en a de tous les temps, de tous les grades, de tous les genres, y compris, nous le verrons, le genre féminin.

Saluons, ainsi qu’il convient, les officiers d’abord, et, le premier, le plus populaire, le sous-lieutenant de la Dame Blanche. N’en déplaise à nos pédans, c’est un chef-d’œuvre dans un chef-d’œuvre, que le rôle de George Brown dans le ravissant opéra-comique de Boieldieu. « Chez vous, mes bons amis, ne puis-je pas loger ?… J’ai servi depuis mon enfance et je suis

  1. Voyez la Revue du 1er octobre 1915.