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l’appoint et le progrès de la symphonie moderne, la musique de batailles a cessé de rien produire qui compte. La Bataille de Vittoria, que Beethoven, on le sait, ne composa point en notre honneur, n’a pas ajouté non plus à sa gloire. En fait de « guerre marine, » on ose à peine rappeler, de loin, certain combat naval qui se livre, ou plutôt se livra naguère, vers le milieu du siècle dernier, à l’Opéra-Comique, entre les deux flottes vénitienne et turque. C’était au second acte d’Haydée. De celui-là nous possédons encore les paroles et la musique :


Bravons la mitraille,
Les flots en fureur ;
Un jour de bataille
Est jour de bonheur.


Voilà le style des unes, et l’autre est dans le même goût. Sans compter que, sur le pont du navire, au plus fort de la mêlée, au chant de semblables refrains, on voyait un groupe de marins faire une partie de cartes. Évidemment nous ne sommes point ici à Lépante.

Il y a peu d’années, à l’Opéra-Comique également, un jeune musicien de talent, M. Raoul Laparra, a pris beaucoup plus au sérieux des scènes de guerre, de guerre sur terre cette fois, et de la guerre carliste. Le succès du belliqueux ouvrage fut médiocre, et c’est peut-être justement la représentation visible et sonore, — oh ! combien sonore ! — d’une bataille moderne, qui fit de la Jota la sœur moins heureuse de l’émouvante Habanera.

En dehors des batailles, la vie militaire, et cette vie collective d’abord, abonde en sujets musicaux, ou « musicables, » et dont la musique souvent s’est inspirée. Qui dénombrera les marches, ou les chœurs de ce genre, et tant de scènes, parfois ; des œuvres entières, les unes dramatiques, les autres plaisantes, où figurent des soldats.


De grand matin j’ai rencontré le train
De trois grands rois qui allaient en voyage.
............
Venaient d’abord des gardes du corps,
Des gens armés, avec trente petits pages.


Ainsi des soldats accompagnent ou plutôt précèdent les rois, sur les routes de Provence, aux sons de la marche fameuse,