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de nous y associer, nous demandons qu’il soit répondu aux deux questions suivantes : Que fera-t-on si, comme c’est probable, il refuse de se soumettre ? S’il se soumet, que fera-t-on pour gouverner la principauté ? » Aucun gouvernement ne voulant prendre les armes pour détrôner le successeur d’Alexandre de Battenberg, les deux questions étaient condamnées à rester insolubles. Ferdinand de Cobourg pouvait dormir tranquille : il n’avait rien à redouter des Puissances.

La gravité des questions intérieures ne lui permettait pas de les envisager avec la même sérénité. Son éducation, ses goûts le portaient du côté des conservateurs, parmi lesquels figuraient des hommes tels que Stoïlof et Grécof appartenant à l’élite sociale bulgare ; c’est sur eux qu’il eût voulu s’appuyer. Mais, toutes ses tentatives pour s’assurer leur concours étaient contrecarrées et déjouées par Stamboulof, résolu à ne laisser arriver au pouvoir que des hommes à sa dévotion. Les efforts de Ferdinand pour se gagner la faveur de l’armée où il comptait déjà quelques amis subissaient le même sort. Le dictateur repoussait systématiquement les projets de réorganisation militaire, dont il n’avait pas eu l’initiative.

Cinq mois de règne et un voyage dans la principauté en compagnie de la Princesse mère ayant donné à Ferdinand l’illusion d’une popularité qui n’existait pas, il se crut un jour assez fort pour manifester une volonté et formuler des exigences. Il invita le dictateur à procéder dans les états-majors de l’armée à des changemens de personnes qui lui auraient permis d’exercer sur les soldats un pouvoir sans contrôle. Stamboulof lui répondit par un refus formel, ne voulant pas le laisser devenir le maître tout-puissant de l’armée. Comme le prince insistait, le dictateur répliqua :

— Si vous passez outre à l’avis de vos ministres, Monseigneur, le Cabinet tout entier se retirera, et si vous appelez vos amis pour le remplacer, ce sera fini pour vous à la prochaine session. N’oubliez pas que j’ai la majorité dans le Sobranié.

A la même époque, Stamboulof, ayant soumis à l’agrément du prince un projet d’amnistie en faveur des auteurs de la Révolution du 21 avril 1880 qui avait renversé Alexandre de Battenberg, Ferdinand lui demanda d’y comprendre un certain major Popof, précédemment condamné pour concussion, et auquel néanmoins il s’intéressait. Le dictateur commença par