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Bulgares ne voudront pas d’un prince autrichien et catholique.

Mais cette prophétie était démentie, à peine émise. A la suite de pourparlers activement conduits par les députés bulgares, Ferdinand avait donné son consentement et, le 7 juillet, il était élu prince de Bulgarie par le Sobranié réuni à Tirnovo. Prévenu le même jour par un télégramme adressé au château d’Ebenthal, l’une des résidences de sa famille, il répond aussitôt que, « dès que son élection aura été approuvée par la Sublime-Porte et qu’il aura été reconnu par les Puissances, il répondra à l’appel de la nation bulgare en se rendant au milieu d’elle. » C’était promettre plus qu’il ne pouvait tenir, car s’il était assuré de l’adhésion de la Turquie que sa déclaration de vassal devait forcément lui rendre favorable, il ne pouvait mettre en doute le refus de la Russie de le reconnaître et, par voie de conséquence, celui des autres gouvernemens, qui ne voudraient pas entrer en conflit, à cause de lui, avec le Cabinet de Saint-Pétersbourg. Dans les chancelleries, on était convaincu que son acceptation serait sans effet. Mais, le 16 juillet, en recevant la députation du Sobranié, venue pour lui rendre hommage, il exprimait l’espoir de justifier la confiance de la Sublime-Porte « et de reconquérir avec le temps la sympathie de la Russie à qui la Bulgarie doit son émancipation. »

On voit ici se trahir son esprit de ruse. Dans sa première réponse dictée par le Cabinet de Vienne, il n’avait accepté que sous condition ; dans la seconde, il n’est plus question de la reconnaissance des Puissances, comme s’il était résolu à s’en passer et persuadé d’ailleurs que, devant le fait accompli, elles ne la lui refuseraient pas. A Sofia, on partageait cette conviction ; elle se manifesta par des démonstrations populaires ; on pavoisa, on illumina, le ministre des Affaires étrangères Natchowitz partit pour Vienne en emportant, à destination du nouveau souverain, un uniforme de chef de l’armée bulgare et un autre uniforme pour un aide de camp. Mais, en arrivant dans la capitale, et avant d’avoir vu le prince, il était averti que décidément l’élu du Sobranié refusait de régner.

En l’abordant, il le trouva en proie à des hésitations inattendues. Il s’était ému, ou du moins feignait-il de l’être, des remontrances entendues au Ballplatz, où on lui avait reproché de n’avoir pas suivi les conseils du gouvernement austro-hongrois. On serait donc disposé à croire qu’il n’osait passer