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prolongation de l’état de désorganisation et de désordre auquel était vouée la nation vassale dont la soumission reposait sur des bases si fragiles ? Tant que l’anarchie régnerait dans les pays bulgares, ils seraient impuissans à secouer le joug et à revendiquer leur indépendance définitive en entraînant la Macédoine dans leur affranchissement.

La France se tient sur la réserve, soucieuse surtout de convaincre l’Europe qu’en Bulgarie comme partout ailleurs, sa politique est résolument pacifique et qu’elle s’applique à ne pas contrarier celle de la Russie, tout en prouvant qu’elle restera neutre, tant que ses intérêts en Orient ne seront pas compromis par sa neutralité.

C’est aussi la neutralité que pratique le Cabinet de Berlin, mais il incline à approuver l’action russe telle qu’elle s’est exercée. A la nouvelle de la chute du prince Alexandre, Bismarck se frotte les mains : « Sa présence en Bulgarie compromettait l’alliance des trois empereurs et il est bon qu’on l’ait sacrifié. Sans doute, le sacrifice attristera l’opinion allemande ; ce sera même pour elle une déception et un regret, car le prince Alexandre était Allemand. Cependant, il se flattait sans cesse de l’avoir oublié et comme, dans ses adieux à la principauté, il s’est affirmé comme uniquement Bulgare, c’est un compatriote auquel le gouvernement ne peut s’intéresser. »

Mais tout le monde ne pensait pas ainsi. En réponse aux duretés que la presse officieuse prodiguait au souverain dépossédé, les journaux indépendans répondaient en exprimant les regrets que leur causait le départ de « cet officier prussien placé en faction pour garder les avenues du Bosphore. » Guillaume Ier partageait ce sentiment et se montrait sévère pour l’attitude des Bulgares envers leur prince. Mais il se consolait par l’espoir que la chute de celui-ci n’exercerait aucune influence sur les affaires européennes ni sur l’alliance des trois empereurs. Le 24 août, recevant en audience de congé, au château de Babeleberg, le baron de Courcel, ambassadeur de France, qui, ayant démissionné, était venu lui présenter ses lettres de rappel, il lui donnait l’assurance que la paix ne serait pas troublée par l’affaire des Balkans.

— Lors de ma récente entrevue avec l’empereur d’Autriche, lui confiait-il, nous sommes convenus de diriger la politique de