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la remettre. » La réponse impériale est foudroyante. « Je ne puis approuver, mande le Tsar, votre retour en Bulgarie, prévoyant les suites funestes qu’il peut avoir pour ce pays déjà si éprouvé. Je m’abstiendrai de toute immixtion dans le triste état de choses auquel la Bulgarie a été réduite, tant que vous y resterez. Votre Altesse appréciera ce qu’elle a à faire. Je me réserve de juger ce que me commandent la mémoire vénérée de mon père, l’intérêt de la Russie et la paix de l’Orient. »

La sécheresse et la dureté de ce langage ne laissent aucun doute sur les dispositions malveillantes d’Alexandre III envers le prince de Bulgarie. Stamboulof se résigne à le voir abdiquer. Mais il le supplie de ne pas laisser la principauté sans gouvernement et de l’aider à former une régence qui gouvernera jusqu’à l’élection d’un autre souverain. De celui d’hier, au moment où il se retire, le pays acceptera un régime provisoire, tandis qu’il refuserait de se soumettre au gouvernement que les factions tenteraient de lui imposer. Une régence est organisée, d’après un plan qu’a conçu le futur dictateur ; elle sera composée de trois membres. Naturellement, et à bon droit d’ailleurs, il s’y assure une place, la première ; la seconde est donnée à son beau-frère, le colonel Moutkourof, dont la popularité et l’influence en Roumélie sont considérables. Quant à la troisième, il la destine à Karavélof et la lui fait accepter. Il tient le personnage pour son ennemi et pour un anarchiste. Il le soupçonne d’avoir pris une part active à la mise en œuvre du complot qui vient d’avorter et d’avoir obligé le prince, pour éloigner de lui ses défenseurs les plus braves et les plus sûrs, à les envoyer à la frontière, en dénonçant faussement les arméniens de la Serbie. Mais les preuves de cette manœuvre font encore défaut. Chef d’un parti remuant et audacieux, Karavélof serait pour la régence un adversaire redoutable. En se l’adjoignant, Stamboulof l’annihile.

Après avoir approuvé et peut-être suggéré ces mesures, Alexandre convoque pour le 11 septembre la grande Assemblée par laquelle elles devront être ratifiées. Puis, dans un dessein de pacification, il ordonne la mise en liberté des membres du gouvernement révolutionnaire, que Stamboulof- avait emprisonnés. Mais comme, d’autre part, il faut des exemples propres à décourager les fauteurs de désordres, il décrète que l’École militaire ayant pris part à l’insurrection est supprimée et que,