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rapatriés. Elle me dit son ardent désir de faire plus encore pour adoucir le sort de nos captifs, et de pouvoir étendre aux Russes, aux Portugais, les mêmes recherches, qui exigeraient l’extension de son œuvre jusqu’en Mésopotamie et en Afrique. Et Sa Majesté veut bien me parler de l’après-guerre et des problèmes nouveaux qui se poseront pour tous les peuples :

— Quelle sera la situation politique et économique de l’Europe en face du Nouveau Monde ?... L’or, arraché par la guerre aux nations anciennes, déversé à flots sur de jeunes nations, n’amènera-t-il pas un déplacement de la fortune, dangereux pour l’avenir économique de l’Europe ?... L’afflux de l’or en Amérique ne provoquera-t-il pas une émigration qui affaiblira les pays anciens ?... Par quelle politique l’Europe pourra-t-elle se défendre contre ces dangers d’un autre ordre et rétablir l’équilibre économique que la guerre aura rompu ?... Autant de questions qui vont dominer l’avenir, dicter des alliances nouvelles ; questions qui touchent l’Espagne aussi bien que la France et les autres nations.

J’écoute, et à travers ces paroles si graves, j’entrevois le duel formidable qui mettra aux prises les Continens.

Mon audience est terminée. Ai-je su dire au Roi tout ce qu’un cœur de mère voudrait lui exprimer, avant de le quitter ?...


L’âme de l’Œuvre royale pour la recherche des disparus est don Emilio-Maria de Torrès, Ministre plénipotentiaire, Secrétaire particulier de Sa Majesté. C’est dans les bureaux de son secrétariat, au Palacio real, qu’elle est installée ; elle y fut si vite à l’étroit, qu’il devint nécessaire de lui consacrer quatre salons, puis huit, afin que les collaborateurs de plus en plus nombreux pussent travailler commodément. Au mois de mai 1916, l’œuvre du Roi, vieille d’une année, occupait, à Madrid, vingt-deux personnes qui commençaient leur journée le matin, à huit heures, et l’achevaient quelquefois bien avant dans la nuit.

On pourrait dire de don Emilio-Maria de Torrès que les fonctions que lui a confiées son souverain font de lui le ministre de la Miséricorde, en donnant à ce mot : Merced, tout ce qu’il implique, dans la langue espagnole, de charité, de