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22 heures. — Un homme arrive du poste de commandement du colonel avec cinq bidons d’eau, — dont un vide, — pour toute la compagnie. Ce sont des bidons de deux litres. Cela fait huit litres, — à peu près, — pour 50 hommes, 8 sergens, 3 officiers.

L’adjudant fait devant moi, avec une parfaite équité, la distribution de cette eau, qui sent le cadavre.

Samedi 3 juin. — Il y a, près de soixante-douze heures que je n’ai pas dormi.

2 heures 30. — Les Boches attaquent à nouveau !

— Du calme, les enfans ! Laissez-les bien sortir ! On a besoin d’économiser la marchandise. À vingt-cinq pas ! À mon commandement !

Feu !

Et allez donc !

Un craquement d’explosions bien ensemble ! Bravo ! Une fumée noire s’élève. On voit les groupes boches tournoyer, s’abattre. Un ou deux Boches se lèvent sur les genoux et s’esquivent en rampant. Un autre se laisse rouler dans la tranchée, tant il est pressé. Quelques-uns cependant progressent vers nous, pendant que leurs camarades restés dans la tranchée nous criblent de balles. Un s’avance même jusqu’au réseau brun à 3 mètres du parapet. D… l’écarté d’une grenade en pleine tête.

À 3 heures 30, ils en ont assez et rentrent dans leur trou. Il fait beau soleil. Une chanson me monte aux lèvres.

— Vous êtes gai, mon capitaine.

— Évidemment ! D’ailleurs, quand le parti est pris !

À 6 heures, les brancardiers boches sortent pour ramasser leurs blessés. J’empêche de tirer dessus.

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Les Boches passent sans discontinuer la digue. Ils occupent R2. Nous sommes menacés de tous côtés. La situation est vraiment terrible. Une angoisse indicible serre le cœur.

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Ce soir, préparation d’artillerie formidable de la part des Boches. Nous serons sûrement attaqués de nouveau. Je fais rétablir la plate-forme de mitrailleuses démolie dans la journée et mettre en batterie une des deux pièces qu’on a pu réparer,

Pour boire, comme il pleut, les hommes ont mis leurs quarts dehors, et établi des toiles de tente.