Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 35.djvu/424

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à l’Italie une puissance trop accrue des Slaves, la Russie a proposé, vers le mois d’avril 1915, la création de deux Etats distincts sur le rivage oriental de l’Adriatique [1] : au Nord, la Croatie, dont le territoire irait de l’extrémité de l’Istrie jusqu’à l’embouchure de la Narenta, au Sud la Serbie, augmentée de la Bosnie-Herzégovine et du reste de la côte jusqu’au Sud de Durazzo ; Trieste, Pola et l’Istrie revenaient, dans ce système, naturellement à l’Italie. A ces offres transactionnelles l’Italie a opposé de plus larges revendications : elle n’a pas réclamé seulement les trois meilleurs ports de l’Adriatique du Nord, Trieste, Pola et Fiume ; elle demande en outre toute la Dalmatie centrale, de la Zermagna à la Narenta, sur une longueur de près de 500 kilomètres, avec les ports de Zara, Sebenico, Spalato, el toutes les îles de Fiume à Cattaro. La Croatie, dans cette combinaison, ne recevrait plus qu’un rivage à peu près inutilisable ; la Serbie, mieux traitée, aurait Raguse, Cattaro et les ports albanais, Valona toutefois restant à l’Italie. Et sans doute l’Italie a toujours protesté de ses sentimens d’amitié à l’égard de la Serbie, de son désir de lui ménager les débouchés maritimes dont elle a besoin. L’opposition des deux thèses contraires demeure pourtant assez forte pour que l’entente poursuivie ne se réalise pas sans quelques difficultés.

On peut se demander à la vérité si l’Italie aurait un bien grand intérêt à s’incorporer, au mépris du principe des nationalités, un million et demi environ de Slaves, et d’autre part si la situation prépondérante qu’elle réclame dans l’Adriatique se trouverait bien sérieusement menacée parce que la Serbie posséderait une portion plus étendue du littoral dalmate. Il semble bien par ailleurs qu’à l’heure actuelle, entre l’Italie et la Serbie, momentanément vaincue, mais que les Alliés ont pris l’engagement de rétablir dans son indépendance et sa souveraineté, les relations soient devenues plus faciles, plus cordiales. L’Italie a pris sa part de l’admirable effort qui a sauvé l’armée serbe ; et l’accueil que trouvait récemment à Rome le prince Alexandre de Serbie a paru le témoignage éclatant des sympathies réciproques des deux pays. Mais surtout les déclarations faites par M. Pachitch, au cours de sa visite à Petrograd, ont semblé ouvrir la voie à une solution amiable du problème. Tout en insistant

  1. Les indications qui suivent sont empruntées au livre déjà cité de M. Ch. Vellay.