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n’eût pas dépassé en hardiesse tels coups d’audace que nos alliés connaissent bien, par exemple, celui du Goliath, capitaine Foley, passant à l’Ouest de la ligne d’embossage française à Aboukir, c’est-à-dire du côté de la terre et au grand risque de s’échouer, si nos vaisseaux avaient été bien mouillés ; ou encore celui de Nelson lui-même s’entêtant, devant Copenhague, à remonter le Konge Dyb sous le feu écrasant des pontons et des forts danois.

Mais les temps ne sont peut-être plus à ces brillantes et décisives témérités. La responsabilité est trop grande ! Un dreadnought coûte trop cher et porte trop de marins !…

Il y a autre chose : outre les mines fixes des lignes préparées à l’avance, les vainqueurs lancés à la poursuite des vaincus n’avaient-ils pas à craindre les mines libres, abandonnées dans le sillage des navires en retraite, comme lors du premier « raid » sur la côte d’Angleterre, le 3 novembre 1914 ? Et n’était-ce pas une raison tout à fait suffisante de les empêcher de se tenir exactement dans les eaux de leurs adversaires, précaution indispensable pour bénéficier des « portières » dont je parlais tout à l’heure ?

Cela se peut. En fait, nous ignorons si les Allemands ont fait un usage de ce genre d’engin dans la nuit du 31 mai au 1er juin. Peut-être les circonstances ne s’y prêtaient-elles pas. Savait-on bien, dans cette obscurité, cette demi-brume, ce désordre de l’armée, si les mines ne heurteraient pas une carène amie aussi bien qu’une ennemie ? Il est vrai que les Allemands ne s’embarrassent pas beaucoup de ce genre de considérations et que, chez eux, tout cède au désir de nuire à l’adversaire.


Il faut attendre, au demeurant, attendre longtemps encore, sans doute, pour pouvoir répondre avec quelque certitude à la question qui a été posée aussitôt après la bataille : l’ennemi a-t-il vraiment, comme on le craignait, fait usage d’engins nouveaux d’armes inconnues jusque-là ?…

D’armes vraiment inconnues, dirai-je (sans vouloir rien affirmer de positif), je ne le pense pas. D’armes nouvelles, ou du moins peu employées, c’est possible et même certain, il me semble. Seulement, là, déjà, le parti pris apparaît dans les affirmations contradictoires des chroniqueurs maritimes. Exemple : « les zeppelins n’ont été d’aucune utilité aux Allemands, »