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la France a lutté pour le simple désir de lutter, par pure volupté du péril, pour la noble joie du sacrifice. Cherchez la raison des plus brillantes batailles de l’ancienne France, et vous ne la trouverez pas toujours. Mais, en échange, vous trouverez, aux heures mêmes des désastres, la même chevaleresque élégance et la même joie héroïque. Contemplez une collection de portraits de héros européens, de héros anglais, de héros allemands, de héros espagnols, de héros français. Tous vous inspireront un égal respect. Dans tous, vous trouverez un air égal de force et d’énergie. « Ils sont d’une même famille, » penserez-vous. Mais, en examinant mieux leurs traits, vous noterez bientôt que c’est seulement sur les figures des Français qu’existe le sourire. Et cela, qui ne semble rien à ceux qui étudient les guerres au point de vue technique, c’est ce qui, à travers les siècles, donne à l’Histoire de France son éclat léger et discret, uniquement comparable à celui de la légende athénienne. » Ah ! oui, la fine, jolie, intelligente et piaffante page !


Voilà donc cinq témoins étrangers et neutres qui viennent de déposer impartialement devant nous sur la France d’aujourd’hui. Je les ai interrompus le moins souvent possible, et le plus souvent que j’ai pu je leur ai cédé la parole. N’ayant point « sollicité » leurs textes, je me garderai bien d’en dégager moi-même une conclusion générale qui risquerait, à des yeux prévenus, de paraître trop avantageuse. Mais il me semble que ce ne sera ni trahir, ni dépasser leur pensée à tous, mais au contraire la résumer sous sa forme la plus fidèle, que d’emprunter, pour finir, à Mme Noëlle Roger, ces quelques lignes si sobrement éloquentes :

« Souffrance oblige… A tous ces hommes qui ont répondu à l’appel, obéi à l’ordre, à toutes ces femmes, ces mères qui ont donné le meilleur d’elles-mêmes, à ce peuple entier qui se sacrifie avec une vaillance souriante, nous devons, tout le reste de notre vie, chaque matin et chaque soir, une pensée de tendresse reconnaissante. »


VICTOR GIRAUD.