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que ce petit volume de Voix espagnoles[1] où l’on a récemment rassemblé divers témoignages autorisés d’intelligente sympathie. Et il y a aussi en Espagne des gens qui, s’étant tout d’abord mépris sur notre compte et sur celui de nos adversaires, reconnaissent loyalement leur erreur : témoin ce Francisco Melgar, dont on vient de traduire pour notre édification la très instructive Amende honorable[2]. Et enfin l’Espagne nous a envoyé un fort remarquable écrivain, dont divers ouvrages ont été déjà traduits en français, et qui, pendant plusieurs mois, depuis le début de la guerre, a visité les parties de la France qu’ont piétinées, que piétinent encore les armées combattantes. ; M. Gomez Carrillo a intitulé les deux livres où il a consigné ses impressions : Parmi les ruines et le Sourire sous la mitraille[3] : livres douloureux, parfois, mais livres sincères et vivans, et qui resteront sans doute comme l’un des témoignages étrangers les plus brillans et les plus précieux que nous puissions invoquer sur nous-mêmes.

Les Allemands, quand ils les connaîtront, — car j’imagine qu’ils doivent, pour la plupart, les ignorer encore, — ne pourront guère les utiliser pour leur apologie personnelle. Ce neutre, qui d’ailleurs sait rendre hommage, comme nous-mêmes, aux qualités d’organisation et de courage de nos adversaires ; ce neutre a vu, de ses yeux vu, les beautés de la guerre allemande. Il a parcouru les champs de bataille de la Marne, de l’Argonne, de la Champagne, de la Lorraine et des Vosges ; il a visité les charmans villages autour de Meaux, il a visité Senlis, Reims, Clermont-en-Argonne, Arras, Lunéville et Pont-à-Mousson ; il a contemplé toutes ces ruines, ces destructions inutiles, et que les tristes nécessités de la guerre ne suffisent pas à expliquer ; il a interrogé les témoins et les victimes survivantes de l’invasion étrangère ; et de tous ces spectacles, de toutes ces enquêtes il a rapporté une commune impression de pitié, d’indignation et d’horreur. Ce sont partout, ou presque partout, les mêmes

  1. Pages d’histoire : Voix espagnoles, préface de E. Gomez Carrillo, 1 broch. in-16 ; Paris, Berger-Levrault.
  2. En Desagravio, par Francisco Melgar (Paris, Bloud et Gay, in-16, 1915) ; la traduction française, Amende honorable, a paru chez le même éditeur, avec un Avant-Propos de M. Morel-Fatio.
  3. E. Gomez Carrillo, Parmi les ruines, traduit de l’espagnol par M. J.-N Champeaux, 1 vol. in-16 ; Paris, Berger-Levrault, 1915 ; — le Sourire sous la mitraille, traduction de Gabriel Ledos, revue par l’auteur, 1 vol. in-16 ; Berger-Levrault, 1916.