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et ses croiseurs cuirassés, les quatre Warspite, l’intervention de ceux-ci s’est-elle produite avant ou après celle du gros de la flotte allemande ?

Celle-ci suivait son « groupe d’éclairage » à 18 ou 20 milles de distance ou, en temps, à une heure environ d’intervalle. A cet égard, le témoignage du capitaine Van Peel du chalutier à vapeur hollandais Anna Josina[1] est très positif. J’avais d’abord penché à croire que les quatre dreadnoughts anglais n’étaient pas à une distance aussi grande de leur chef et qu’ils avaient par conséquent pu l’aider, d’abord à combattre le groupe d’éclairage allemand, ensuite et surtout à soutenir une lutte devenue extrêmement inégale à partir de l’arrivée sur le champ de l’action du corps de bataille ennemi. Mais il semble bien qu’il n’en ait pas été ainsi et qu’en effet, dans la deuxième phase, l’escadre Beatty primitive, où ne figuraient que les croiseurs de combat et les croiseurs cuirassés, — je ne parle pas des bâtimens légers, — ait dû supporter l’effort de la presque totalité de la Hoch see flotte. Et c’est très naturellement ainsi que s’expliquent les graves pertes subies par nos alliés, pertes qui ne portent, on le remarquera, que sur les croiseurs.

Dans la troisième phase, qui s’ouvre sans doute un peu plus d’une heure après le début de l’action, l’intervention des quatre Warspite rétablit déjà le combat. Certains récits anglais témoignent de l’impression profonde que produit l’entrée en ligne de ces quatre magnifiques unités dont, à plusieurs milles de distance déjà, les 32 canons de 381 millimètres font sentir leur puissance aux cuirassés allemands. Le Lion, le Tiger, la Princess Royal, sont aussitôt dégagés de l’étreinte de leurs plus dangereux adversaires qui se jettent sur la nouvelle division anglaise.

Ce qui reste de la primitive escadre Beatty revient bientôt à la rescousse. A ce moment-là, sans doute, le groupe d’éclairage du vice-amiral Hipper doit être, lui aussi, fort diminué : le Lützow est sans doute déjà coulé, le Derfflinger ne vaut guère mieux et le Seydlitz a subi les avaries majeures que constatait récemment le correspondant d’un journal neutre. Le vaillant amiral anglais peut donc se retourner du côté des

  1. Ce petit bâtiment s’est trouvé toute la journée et une partie de la nuit du 31 mai « dans les eaux » de la bataille. Son récit est très intéressant à divers points de vue.