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question n’aient pas de bonnes raisons de croire que ces bouches à feu ont été, pour ainsi dire, entreposées, à bord d’un autre bâtiment, un simple « cargo, » qui se tient au large, tout prêt, sur un signal de T. S. F., à rallier le pseudo-navire de commerce, quand celui-ci sera hors des eaux territoriales et à lui rendre alors son armement.

Or, si cette opération n’est pas du tout impossible, ne s’appliquant du moins qu’à des canons de calibre moyen, bien plus facile encore est, évidemment, celle qui consisterait à restituer à un sous-marin ses torpilles automobiles. Nos amis d’Amérique en conviendraient certainement, si la question leur était posée. Ils pensent d’ailleurs avoir paré à toute difficulté de ce côté-là en s’assurant que le Deutschland n’avait point de tubes lance-torpilles. Malheureusement, cette garantie est illusoire, par la bonne raison que le grand submersible allemand peut être réarmé avec des torpilles renfermées dans de simples tubes-carcasse, qu’il disposera le plus aisément du monde sur son pont par des moyens de fortune étudiés et préparés d’avance.

J’ajoute qu’à ces torpilles automobiles rien ne l’empêche de joindre des mines automatiques. Celles-ci pourront encore être placées sur le pont, sous la réserve de ne pas se trouver dans l’axe des tubes-carcasse de lancement. S’il y a des difficultés à cela, pourquoi notre prétendu sous-marin de commerce n’embarquerait-il pas ces dangereux engins comme de simples colis[1] ? Il trouvera bien le moyen de les mouiller, je veux dire de les jeter par-dessus bord, car ce seront sans doute des mines libres, aux endroits favorables qui lui auront été désignés.

Reste la question de l’artillerie. J’accorde qu’il ne serait pas aussi facile d’en installer à bord d’un sous-marin en pleine mer, et qu’en tout cas les dispositions indispensables, prises d’avance, n’auraient pas échappé aux yeux d’enquêteurs compétens. Mais, en fait, il paraît que le Deutschland a déjà, et très ouvertement, deux canons légers, de 57 millimètres, disent les uns, de 76, disent les autres. Seulement, affirme son capitaine, ce ne sont là que des « canons de défense » contre les navires marchands armés et, — pourquoi pas ? — contre les submersibles anglais ou français, ceux-là mêmes que la nouvelle jurisprudence des Etats-Unis concède aux vapeurs ou voiliers de

  1. Je le suppose muni d’écoutilles susceptibles de laisser passer des caisses d’assez fortes dimensions.