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incendies qui éclatent partout, à chaque instant, vous comprendriez l’exaspération publique. Il n’y a pas de quartier où, dans une heure, on n’arrête dix femmes portant du pétrole dans une boite à lait, et jetant ce terrible liquide dans une cave ; aussi tous les soupiraux sont-ils murés, ou bouchés avec du bois et de la terre ; toutes ces misérables sont saisies accomplissant ces ordres sauvages…

« Encore le canon, toujours le canon ! Ces misérables ont fusillé vingt et un Dominicains à la barrière d’Italie. La plupart des otages ont eu le même sort. On ne sait rien de précis sur l’archevêque. Les bruits les plus sinistres circulent sur la Roquette où on avait évacué bon nombre de ces malheureux. Il n’y a pas de châtiment qui égale ces abominations !… »

Et par momens, la pitié entre encore dans son cœur, et, déchiré entre deux sentimens contraires, il reprend : « Cela est horrible ! »

Son esprit, cependant, ne trouve de refuge, de baume, de douceur que dans la pensée de ses enfans ; parmi les horreurs et les terreurs, il retrouve encore place pour les doux soucis domestiques. Le contraste est délicieux. Qu’est-ce qui le préoccupe ? Quand il a passé en Anjou, on parlait de chiens enragés : « C’est mon cauchemar, » dit-il, et il multiplie les prudentes recommandations. — Mais il supplie, en revanche, qu’on ne s’inquiète pas pour lui : « Soyez sans crainte ! » — On aurait certes pu en avoir. Le dimanche 23, le dernier jour de la lutte, l’intrépide garde national est allé se joindre aux troupes qui achèvent la répression. A trois heures et demie, à l’heure où les derniers rebelles font leur soumission, Aubert est rue Oberkampf auprès d’une batterie d’artillerie.


XV

Telle est l’œuvre de guerre de notre ardent maître ; il semblait assurément promis à des destinées plus pacifiques. Un des élèves qui ont vécu avec lui ces jours exceptionnels devait prendre la charge de faire connaître ses sincères et pathétiques récits.

Charles Aubert-Hix survécut dix ans à peine aux événemens de la guerre et de la Commune. Il devint en 1873 inspecteur de l’Académie de Paris, et ceux qui l’ont vu passer pendant