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Leur parti est pris de garder et d’occuper, jusqu’à la dernière limite, les pauvres enfans qui leur restaient confiés. Ils sont résignés pour cela à accepter des insurgés tout ce qu’il est impossible de refuser, mais de n’avoir avec le soi-disant gouvernement que les rapports strictement nécessaires ; ils ne consentiront jamais à reconnaître son autorité.

On reçoit toujours des visites ; c’est un « colonel » chamarré de galons, un problématique « ingénieur » qui pue l’eau-de-vie à dix pas. On leur fait l’accueil le plus poli et le plus calme. On s’en tire. Au départ, l’ « ingénieur » prend Girard par le bouton et l’appelle : « Mon cher ami. »

Il faut bien aller à la mairie, pour débattre les intérêts du lycée. On y voit s’étaler, magnifique et familier, le citoyen Régère, tout à fait bon prince. Il dit au proviseur : « Vous ne connaissez pas le citoyen Vaillant ? Vous avez tort. Allez le voir de ma part. C’est mon ami ! » En rentrant, M. Girard écrit à son fils : « Je n’irai pas. S’il m’invite, je n’irai pas. S’il me somme, je lui exprimerai mon refus. Ce sera ma retraite, celle des professeurs, la fin des classes. » Telle était la ligne que s’étaient tracée, au péril de leurs jours, ces maîtres si sages, si braves, l’honneur de l’enseignement français.

Ils n’allèrent pas jusqu’à l’extrémité qu’ils avaient prévue. La Commune sans doute les oublia. Girard tiendra bon jusqu’au bout. Aubert hésitait un peu.

« N’étant utile à rien ici, je suis quelquefois tenté d’aller vous rejoindre ; mais, à moins qu’une nécessité plus grande me chasse, il me semble que mon devoir est de rester. Toujours mêmes rigueurs contre les prêtres, sans que jusqu’ici elles aillent au-delà de l’emprisonnement, accompagné d’une nourriture misérable et du système cellulaire. On arrête ces malheureux, on les détient et on les relâche, quitte à les reprendre.

« Hier, la Commune a supprimé quatre journaux : le Soir, la Cloche, l’Opinion nationale et le Bien public. Vous comprenez qu’ils n’ont pas pour cela cessé d’exister. Quelques gamins les colportent dans la rue en criant : l’Avant-Garde ou le Cri du Peuple, et on a encore quelques nouvelles. D’ici deux à trois jours, la mesure qui atteint ces feuilles sera sans doute étendue à tout ce qui n’est pas communeux.

« C’est l’affaire d’Asnières qui a exaspéré la Commune : les