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la capitulation de Metz ; l’honneur des généraux en serait fort maltraité ; on parle de marché misérable, de trahison. Dans ces malheurs que nous traversons, il ne faut pas s’étonner de ces agitations. Qu’y a-t-il de vrai ? Je ne sais qu’en penser. On se refuse à croire de pareilles monstruosités. Cependant, le passé du maréchal Bazaine n’est pas parfaitement net. Quant à moi, j’estime que les gens honnêtes doivent suspendre leur décision. On finirait par n’oser plus croire à la probité et à l’honneur. »

On travaille à la défense avec acharnement ; on prépare la Garde nationale à un rôle plus actif. D’heureux bruits sont venus de province. Les âmes des braves gens sont solides. On s’attend à de graves événemens. Aubert profite de ses quinzaines de liberté pour continuer avec audace ses explorations de banlieue. Nous le retrouvons à Aubervilliers, où il couche chez un ami, aux Hautes-Bruyères, une autre fois à Nogent.

« Hier, j’étais aux Hautes-Bruyères et regardais tirer le moulin Saquet. Le tir est déjà bon, mais les pièces m’ont paru d’une portée faible. Pendant une heure au moins, il a défilé devant nous un convoi prussien, passant un peu au-delà de Choisy-le-Roi par Rungis et Fresnes pour rejoindre Versailles. Il y avait quatre à cinq cents fourgons. Quelques pelotons de uhlans escortaient le convoi. On aurait pu tirer des Hautes-Bruyères, mais à cette distance le tir manque de précision et de réelle utilité.

« Lundi, j’avais pris la route de Champigny ; on peut aller maintenant en chemin de fer jusqu’à Nogent, sur la route de Vincennes. Après une visite au fort de Nogent, je suis revenu à Joinville, pour voir où avait eu lieu l’engagement de Champigny. C’est la Faisanderie qui a attaqué le village et délogé les Prussiens. Une manœuvre de mitrailleuses bien dirigée a jeté bas bon nombre de fuyards. Quelques maisons incendiées attestent que la lutte a été rude. Pendant que je fouillais avec ma lunette tous les recoins du village et des environs, je voyais à travers la prairie les manœuvres des francs-tireurs, courant deux à deux et allant débusquer les sentinelles ennemies. cette guerre est la seule qui soit possible encore autour de nos murs. » (18 novembre.)

Le lendemain il part pour le fort d’Aubervilliers et y reste deux jours. Tout va bien, en somme. La nouvelle de la victoire d’Orléans a ragaillardi les Parisiens. Car tout l’espoir raisonné