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sur mes concitoyens pour défendre une résolution que je condamne…

Je m’arrête, voulant que cette dépêche parte cette nuit…

JULES FAVRE.


M. Thiers à M. Jules Favre.

Bordeaux, vendredi 10 mars 1871.

Mon cher collègue et ami,

Voici une lettre pour vous et nos collègues, mais particulièrement pour vous et Picard. Je vous ai adressé ce matin une dépêche télégraphique nécessairement résumée et discrète ; je vais vous dire les mêmes choses plus en détail et plus en confiance.

Les difficultés pour la translation ont été énormes parce que la question de Paris met aux prises le parti républicain et le parti décentralisateur. À ces dispositions sincères sont venues se joindre les intrigues de certains personnages. Les hommes qui sous l’Empire, obligés de céder, composaient le ministère du 2 janvier et ses variantes et se considéraient comme nécessaires, sont désolés de n’être même plus possibles… MM. Daru, Buffet, en prenant des peaux de mouton, sont entrés dans la Commission et, abusant des préventions des députés monarchiques, nous ont tourmentés. Mais cela va finir tout à l’heure par un vote considérable ; je l’espère, en faveur de Versailles.

(Ceci a été écrit avant la séance.)

Samedi matin, 6 heures.

La séance d’hier soir a déjoué tous les calculs de cette petite et bête opposition, et les a réduits à néant. Nos collègues vous diront l’effet produit par mon improvisation (car je n’avais pas eu le temps de me préparer) et tous les points de la question ont été gagnés l’un après l’autre. La gauche modérée a été enchantée et m’en a témoigné sa vive satisfaction, nous avons à nous, entre l’extrême gauche et l’extrême droite, une majorité sur laquelle nous pouvons compter.

Ces effusions où, vous le voyez, l’amour-propre a sa part, terminées, je passe aux affaires.