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M. Jules Favre au même.

Paris, le 9 mars 1871, onze heures matin.

Mon bien cher Président,

Le Conseil est unanime pour vous demander, comme une condition de paix et de prospérité, la translation de l’Assemblée à Paris. L’opinion se prononce en ce sens dans toutes les classes de la population. On dit avec raison que cette marque de confiance seule peut faire renaître le travail et désarmer les mauvaises passions. Si l’Assemblée faisait cet acte de résolution, si, en même temps, elle s’associait à votre noble langage en déclarant qu’elle entend loyalement faire l’essai de la République, elle rendrait tout trouble impossible et gouvernerait ensuite avec la plus entière sécurité. J’avoue que je comprends peu ses hésitations en face des périls qui nous menacent. Paris n’a d’autre bouclier que l’ordre. L’ordre dépend du parti qu’on va prendre à Bordeaux. Si ce parti amène une sédition, adieu le crédit, les emprunts. Les Prussiens se vengeront de nos dédains et cette fois entreront tout à fait chez nous. Je voudrais que chacun de mes collègues vit ce danger aussi clairement que je le vois. Le problème serait vite décidé. Que si Paris est impossible, qu’on choisisse Versailles. C’est déjà un très grand péril, mais Versailles est une étape rapprochée ; en se gênant beaucoup, on peut gouverner. A Fontainebleau, cela est impossible. C’est pourquoi, à votre place, j’en ferais une question de pouvoir. Je dirais à l’Assemblée : « Si vous voulez vous installer à Fontainebleau, choisissez un autre président. » En ce qui me concerne, ne croyant pas le gouvernement possible dans de telles conditions, je ne pourrais pas conserver mon portefeuille. Picard est dans le même sentiment. Nous ne voulons pas prendre la responsabilité d’une résolution qui décapite Paris, l’expose à un bouleversement et la France à un retour offensif des Prussiens. La Chambre oublie que Paris a tenu quatre mois et demi, qu’il a souffert toutes les tortures et qu’il n’a pas donné le droit à ses adversaires de se défier de lui. Si elle veut d’un gouvernement provincial, libre à elle : je me soumets et je me retire. J’y suis fermement décidé et je ne me charge plus de maintenir la tranquillité ici. Il ne me convient pas de faire tirer