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de prévenir l’écroulement d’un certain nombre de temples anciens qui menaçaient ruine. Elles se portaient spécialement sur ceux de la Haute-Égypte, que le relèvement du barrage d’Assouân, décidé en 1906, condamnait à être submergés annuellement et exposait ainsi à une destruction rapide. Epris de ces grands monumens du passé, il voulait les sauver, s’il était possible, ou, à tout le moins, en retarder la fin.

C’est à cette œuvre de préservation que, secondé par ses deux chefs de travaux, MM. Barsanti et Bazaire, il consacra, pendant cinq ans, une bonne part de ses soins. Dès 1907, il obtenait du représentant du gouvernement anglais, sir Eldon Gorst, un crédit de 1 600 000 francs, pour essayer de prévenir les effets désastreux de l’immersion inévitable. Cette somme fut partagée entre les travaux de consolidation, habilement exécutés par M. Barsanti, et l’exploration des nécropoles nubiennes, qui fut commencée par M. Reisner. En même temps, il faisait photographier tout ce qui risquait de disparaître, voulant qu’il en subsistât au moins une image précise et détaillée.

Ces temples et ces nécropoles, il s’appliquait aussi à les défendre contre un danger d’un tout autre genre, celui du pillage mercantile et des dégradations intéressées. Dès 1901, il avait élaboré un projet de loi pour la protection des monumens en Égypte ; mais les difficultés résultant des capitulations avaient empêché qu’il ne fût accepté. Il ne se découragea pas. Il ne se décourageait jamais. Le mal, d’ailleurs, allait croissant. Dans son rapport annuel de 1910, il écrivait avec douleur : « La fouille illicite se poursuit sur tout le territoire, sans que nous soyons capables, je ne dis pas de la supprimer, mais simplement de la restreindre. Des nécropoles entières sont vidées, des chapelles sont dépecées, des murs sont démolis. Les statues trop lourdes sont brisées et les morceaux en sont achetés sous-main par les marchands de profession, qui les revendent aux amateurs et aux pourvoyeurs de musées. » Ce ne fut toutefois qu’en 1912, grâce au très puissant concours de lord Kitchener, qu’il eut enfin la satisfaction de voir promulguer, le 16 juin, la loi si nécessaire qui était son œuvre. Il put se dire, ce jour-là, qu’il avait bien mérité de l’antique Égypte.

L’organisation des musées, dans un pays où se multiplient les découvertes et où affluent les visiteurs, a une importance capitale. Ils sont indispensables, non seulement pour la