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faits au nom de Luther, « une profession d’authentique croyance au Christ, à laquelle le plus rigoureux des catholiques peut trouver édification, une profession de généreuse charité chrétienne, de généreuse tolérance[1]. »

Sous d’autres plumes ce culte de l’Empereur prend un aspect plus systématique encore ; il semble s’étendre à tous ses actes, à tout son être. J’en atteste M. Pfeilschifter, qui forme à Fribourg les futurs prêtres badois. Il a publié, sous le titre : Religion et religions dans le conflit mondial, un livre informé. « En notre héroïque Empereur, écrit-il, sont merveilleusement personnifiées les forces religieuses d’aide céleste et la foi religieuse dans la divine destination mondiale du peuple allemand[2]. » Et sur ces mots, le livre s’achève, faisant avenue vers cette définition mystique de l’Empereur, hommage du professeur catholique à l’évêque suprême de l’Église évangélique prussienne.

Lorsqu’on trouve de pareils termes pour la glorification religieuse du souverain, il est naturel qu’on s’attache à vouloir croire — et faire accroire à Rome — que la confession dont il est le chef a cessé d’avoir des sentimens inamicaux à l’endroit de l’Église romaine. On masque d’un sourire et d’un air de sérénité la peur intime qu’on éprouve d’avoir bientôt à subir un second Kulturkampf ; et l’on épie, ou bien l’on élabore, certains motifs de se rassurer. M. le doyen Kiefl, de Ratisbonne, est passé maître en cet art ; il dépense beaucoup de curiosité intellectuelle à rechercher les indices précurseurs d’un certain esprit de paix religieuse, et beaucoup de bonté d’âme à les trouver[3]. Mêmes tendances chez M. le curé Rieder de Bonndorf[4] : il lui faut bien peu de chose pour que son âme s’ouvre à l’optimisme, très largement, très candidement. Il prend un livre sur la vie spirituelle allemande, œuvre d’un professeur protestant ; il constate que l’édition récente est moins hostile au catholicisme que ne l’étaient ses devancières. le professeur est devenu plus clément : pour désarmer, il ne demande plus à l’Église romaine que trois petits sacrifices : elle devrait expliquer que ce n’est pas le fait de lui appartenir, à elle, mais d’appartenir au Christ, qui est la condition du salut ; elle devrait

  1. Pfeilschifter, Deutsche Kultur, p. 59.
  2. Pfeilschifter, Religion und Religionen im Weltkrieg, p. 105 (Fribourg, 1915).
  3. Pfeilschirter, Deutsche Kultur, p. 319-342.
  4. Allgemeine Rundschau, 29 janvier 1916, p. 63-65.