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poids du moteur ne s’abaisse pas au-dessous de deux kilos par cheval-vapeur pour les moteurs fixes, tandis qu’il descend à un kilo et demi, dans les bons moteurs rotatifs. Ceci explique le succès qu’ont eu ces derniers dans la période qui a précédé la guerre : par suite de leur poids plus faible, ils permettaient des vitesses plus grandes avec un aéroplane donné, dans les brèves épreuves sportives qui avaient alors tant de vogue. Mais toute médaille a son revers : sans parler même de la délicatesse et de la fragilité plus grandes du moteur rotatif, celui-ci consomme par heure et par cheval plus d’essence que le moteur fixe (environ 350 grammes au lieu de 250). Et alors il arrive ceci : lorsqu’un aéroplane doit faire une randonnée de plusieurs heures, le poids total d’essence qu’il doit emporter à cet effet est beaucoup plus grand pour le moteur rotatif que pour le moteur fixe, et suffit à compenser et au-delà le poids plus faible du premier (supposé de même puissance que l’autre). Et ainsi nous arrivons à cette conclusion que si le moteur rotatif est préférable pour les avions qui doivent fournir un service rapide et bref, le moteur fixe reprend au contraire sa supériorité pour les vols de longue durée. Premier et décisif exemple de la nécessité qu’il y a de construire différemment les avions selon le service qu’on leur demandera.


Mais il y a plus et nous allons voir maintenant que les qualités exigées pour les divers emplois de l’avion de guerre sont en quelque sorte contradictoires et exclusives les unes des autres.

Tout d’abord il y a une antinomie entre la vitesse d’un avion donné et le poids qu’il transporte. Plus ce poids est grand, plus sa vitesse maxima sera faible et réciproquement. Cela est presque évident a priori, et bien connu pour tous les mécanismes tracteurs : locomotives, automobiles, animaux de trait. Ainsi, si sur un avion est monté un moteur de cent chevaux, c’est-à-dire un moteur, qui fournit un travail de 7 500 kilogrammètres par seconde, lorsque la traction du moteur est de 250 kilogrammes[1], l’appareil fait 30 mètres à la seconde ; si le poids tiré n’est que de 200 kilogrammes, la vitesse devient égale à 37 mètres et demi (en supposant parfait, pour simplifier, le rendement de l’hélice).

Parallèlement à cela, il y a également une sorte d’antinomie entre le poids porté par un avion, et l’altitude maxima qu’il peut atteindre

  1. Rappelons que le kilogrammètre est le travail nécessaire pour élever un kilogramme à une hauteur d’un mètre.