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REVUE SCIENTIFIQUE

L’AVION DE GUERRE

Pour l’historien et le tacticien de l’avenir ce qui caractérisera surtout la guerre actuelle, ce qui la distinguera des guerres du passé, c’est le combat aérien. Entre nos fantassins et ceux des guerres puniques, entre nos artilleurs et les guerriers qui bandaient autrefois les catapultes, il y a en somme beaucoup de ressemblances : et n’étaient les portées un peu plus grandes que les explosifs ont données au jet des projectiles et à leur efficacité, il n’y aurait ici rien qui pût véritablement stupéfier un César ou un Xénophon, s’ils revenaient parmi nous. Mais ce qu’on n’avait jamais vu ni soupçonné, c’est l’homme fait oiseau, enrichi de l’infinité des mouvemens nouveaux et des incroyables visions qu’en conquérant la troisième dimension de l’espace il a conquises du même coup.

L’aviation militaire a pris, par la force des choses, une importance tellement prépondérante, que l’on peut affirmer que si l’un des deux camps en présence n’avait pas entre les mains cette arme, il serait irrémédiablement battu par cela même. Pourtant, comme engin même de combat, l’avion n’est pas d’une efficacité supérieure à celle d’un très petit détachement terrestre bien armé de mitrailleuses, de grenades ou de canons. Mais il a l’avantage inestimable de pouvoir transporter la mort latente qu’il inclut en ses projectiles, là où il lui plaît, et dans des zones vulnérables loin en arrière du front ennemi, là où le fantassin et l’artilleur, rivés au sol par l’inflexible esclavage de la gravité, ne peuvent aller. Mais ceci n’est rien. S’il n’était qu’un merveilleux transporteur de projectiles et d’explosifs à distance, s’il n’était qu’un combattant, qu’un semeur de mort, l’avion