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se joignirent les contingens coloniaux, Canadiens et Hindous, d’abord, plus tard Australiens et Néo-Zélandais. Nous en reparlerons plus loin.

Il arriva un moment où le recrutement par engagement volontaire devint insuffisant pour satisfaire aux sacrifices croissans de la guerre. La défection de la Turquie, et plus tard celle de la Bulgarie, qui furent de cruelles désillusions pour les hommes d’Etat anglais, obligèrent les armées britanniques à élargir leurs opérations en Orient. Il fallut d’abord sauvegarder l’Egypte et le canal de Suez contre les tentatives turco-allemandes, puis eut lieu la tentative de forcement des Détroits qui se prolongea au-delà de toutes les prévisions, et qui se termina par un échec déplorable[1].

La constitution de l’armée de Salonique et le maintien d’effectifs assez importans en Mésopotamie préoccupèrent alors l’état-major anglais assez sérieusement pour que lord Kitchener, malgré sa grande expérience de l’Orient, ait été hostile à tout développement des opérations dans les Balkans, au risque de voir tous les rois balkaniques se joindre à leur chef de famille, le Kaiser.

Il devenait évident que, dans une guerre qui tournait à l’extermination, le système de l’engagement volontaire était incapable de remplir les vides. Le sentiment patriotique ne suffisait pas à faire sortir de leur inertie les masses rurales et ouvrières, et d’ailleurs ces dernières trouvaient dans l’énorme accroissement du travail industriel des salaires tels qu’elles restaient à l’usine, autant par intérêt que par le sentiment légitime qu’elles rendaient ainsi service au pays. Alors se posa en termes formels, en octobre 1915, la question de la conscription.

Déjà en juillet 1915, un acte du Parlement (Registration Act) avait institué un recensement des hommes en âge de porter les armes ; recensement qui préludait à l’établissement d’une liste générale de recrutement (Register general).

La situation à l’entrée de l’hiver 1915 mettait désormais l’Angleterre en face de son devoir intégral d’alliée, et de l’effort décisif à faire pour la victoire. Les Russes avaient dû reculer sous l’ouragan de fer et de feu, et la crise des munitions qui les avait surpris montrait une fois de plus que la supériorité militaire appartenait toujours à celui qui disposait

  1. Voyez notre article sur la Guerre dans le Levant dans la Revue des Deux Mondes du 1er mai 1916.