Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 34.djvu/654

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

élaboration tenace dont les premiers signes ne furent même pas aperçus.

Pendant que naissaient les grandes églises, — la plupart monastiques, — qui restent la gloire de ces puissans ateliers provinciaux, le Nord de la France, et spécialement le cœur même du domaine royal semblait être, était « en retard. » Ni les maçons, ni les imagiers n’y avaient encore rien produit de comparable à ce que l’Auvergne, le Languedoc ou la Bourgogne avaient vu paraître ; mais, sous cette apparente inertie, un grand avenir se préparait.

Au problème de la construction des voûtes, de la résistance aux pesées et aux poussées verticales et obliques que leurs supports ont à subir, quatre solutions principales (si l’on néglige le détail et si on laisse de côté la question très spéciale des coupoles sur pendentifs), toutes inspirées ou renouvelées de la brillante et si « pratique » architecture romaine, avaient été adoptées : berceau continu épaulé sur tout son parcours par les voûtes en quart de cercle, formant comme un étai ininterrompu, des tribunes ouvertes au-dessus des bas-côtés ; berceau divisé en travées égales par des arcs, dits doubleaux, comme par autant de cintres en pierre survivant aux cintres en bois ayant servi à la construction et par les supports de ces arcs ; — voûtes d’arête, à pénétration, dont les Romains avaient tiré d’incomparables partis (voir celles des Thermes de Cluny à Paris), mais dont l’appareillage présentait les plus grandes difficultés et que les plus hardis architectes bourguignons n’avaient osé essayer que sur les bas-côtés ; — enfin, pour diminuer les dangers des poussées obliques des voûtes et les rapprocher autant que possible de la verticale, on donna souvent aux voûtes des grandes nefs et à leurs doubleaux, la forme d’un arc aigu, « brisé » (ou « en tiers-point »). Et il faut noter en passant que la langue commune, en appliquant à ces arcs le nom d’ogive, a créé d’inextricables confusions et déplorablement contribué à la tenace inintelligence d’un système de construction qui était la clarté et la raison mêmes, étant ne du bon sens et de la raison de nos maçons français.

Car l’ogive, ou plutôt la croisée d’ogives, fut l’invention propre des architectes qui, — dans la région franco-picarde, comprenant l’Ile-de-France, le Valois, le Soissonnais, une partie du Beauvaisis, de la Picardie, et dont Senlis serait à peu près