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les plus intelligens commentateurs de l’art italien — et de l’art en général… Ce n’est pas aujourd’hui mon objet, mais en lisant Schmid, je me rappelais une conversation de W. Bode avec notre cher Emile Michel. Il s’agissait de Rembrandt et Bode disait : « A présent, j’ai envie d’écrire, tout simplement, un petit livre dans le genre de Fromentin. » Et Emile Michel répondait avec un bon sourire : « C’est une idée : on peut toujours essayer ! »

Il va sans dire qu’après cette incursion dans le domaine de l’art italien, le professeur Schmid a beau jeu, ou croit avoir beau jeu, à revendiquer tout ce qui, par suite d’un long et funeste malentendu, porte, dans l’histoire officielle de l’art, le nom de « gothique. » Certes, je ne veux pas l’oublier, la science allemande, celle où survivait encore l’esprit de l’honnête Allemagne de jadis, a travaillé à établir, — après nos Quicherat et nos Viollet-le-Duc, — que cet art gothique, c’est de France qu’il est venu, c’est de l’Ile-de-France qu’il est parti pour commencer la conquête de l’Europe médiévale. Les Dehio, les Dohme, les Goldschmidt, les Weese, les Voge (je les nommerai tous ! ) l’ont dit, — et sur plus d’un point, il est juste encore de le reconnaître, ils ont, — surtout pour la statuaire monumentale, ce grand art essentiellement français, — marqué avec plus de précision qu’on n’avait fait avant eux les étapes, en Allemagne, des grandes influences françaises… Depuis quelques années d’ailleurs, la réaction pangermanique contre cette science impartiale se faisait de plus en plus sentir et nous avions déjà repéré les plates-formes où s’établissait sa grosse artillerie, — qui jamais ne mérita mieux le nom d’artillerie lourde (voir par exemple : die Germanen und die Renaissance in Italien de Wottmann (Leipzig, 1905) et du même : die Germanen in Frankreich (Iéna, 1907). Il s’agit de rattraper aujourd’hui ce que l’on a pu imprudemment concéder. Rien de plus facile ! Oui, accordons que la France a donné à la chrétienté occidentale la forme la plus originale et la plus belle de l’architecture et de la statuaire ; accordons que l’Ile-de-France, le Soissonnais, le Valois, la Picardie en furent le berceau, la terre d’élection… Rien d’étonnant, si ces régions privilégiées furent, plus qu’aucune autre partie du territoire français, pénétrées d’élémens germaniques au temps de la Völkerwanderung. Nous parlerez-vous de la brillante civilisation toulousaine au