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ministres de Washington, notamment M. Redfield, secrétaire du Commerce, ont annoncé que la législation fédérale serait renforcée, de manière à ne pas permettre aux « maisons étrangères » d’inonder le sol de l’Union de marchandises à vil prix, en vue de tuer des industries indigènes. L’Allemagne a pris peur ; son ambassadeur le comte Bernstorff a exposé en bon apôtre, dans une note à la Maison Blanche, que « son gouvernement avait tout d’abord refusé de permettre la sortie des matières colorantes sauf en échange de marchandises américaines dont ses compatriotes avaient besoin, » — le coton par exemple, — « mais que, voyant l’embarras où cette privation mettait les industriels américains, » l’Allemagne consentait à leur envoyer sans condition 15 000 tonnes de colorans… pour leur être agréable. L’espérance de décourager ainsi les initiatives transatlantiques sera vaine, croyons-nous ; l’élan est donné, il est trop tard.

La tactique adoptée pour les colorans avait été suivie par nos ennemis pour les remèdes ; depuis que le brome ne nous était plus envoyé par eux que sous forme de gaz asphyxians, le bromure de potassium était payé, chez nos pharmaciens, 80 francs le kilo au lieu de 3 francs, et l’aspirine avait monté de 6 francs à 190, jusqu’à ce que nos usines françaises se fussent mises en état de livrer ce produit aux anciens prix.

Or, ces anciens prix étaient de deux sortes : suivant un système fondé sur la badauderie humaine, qui leur permettait de gagner de l’argent tout en défiant la concurrence, les maisons Bayer, de Leverkussen près Cologne, Meister Lucius, d’Hœchtam-Main, et autres fournisseurs de l’antipyrine, de la phénacétine, du pyramidon, etc., facturaient le même produit 100 francs sous leur cachet et 20 francs sans indication de provenance. Dussent-ils perdre un peu à ce dernier chiffre, ils se rattrapaient largement sur le prix fort, parce que la moitié des cliens exigeaient le cachet d’origine. La guerre et le blocus ont bouleversé ces habiles combinaisons.


V

La conférence des Alliés en déjouera d’autres après la paix ; et notamment la mainmise du capital allemand sur les finances,