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Grenoble, blessé à la cuisse, a fait, dans son lit d’hôpital, une thèse sur son propre cas. Il avait d’autre part reçu la médaille militaire et la croix de guerre. On comprend que le doyen de la Faculté de Médecine de Paris ait tenu à assister à cette soutenance et à féliciter le candidat. Il était impossible de tirer plus élégamment parti de la souffrance et de se montrer envers la mauvaise fortune plus beau joueur.

Si la science française ne chôme pas en France même, nos universités ont mis comme une coquetterie, depuis que la guerre dure, à en assurer et à en étendre le rayonnement au dehors. Nos universités avaient depuis quelque temps une « politique étrangère, » comme on l’a appelée, qui succédait à un trop long effacement. Le moment n’était pas venu d’en changer. Et la France prouva que, ramassée qu’elle était sur elle-même pour une lutte effroyable, elle avait encore assez d’hommes, assez d’argent, assez de liberté d’esprit aussi pour entreprendre des fouilles archéologiques en Grèce ou en Espagne, pour envoyer des maîtres enseigner dans ses jeunes instituts de Florence, de Madrid et de Pétrograd, Avec l’Amérique du Nord en particulier, jamais les échanges de professeurs ne furent plus actifs. Jamais autant de professeurs français ne franchirent l’océan Atlantique, ce qui ne veut pas dire qu’ils le franchirent encore en assez grand nombre. Mais souvenons-nous que, il n’y a guère plus de quinze ans, Brunetière, pour un pareil acte, parut quelque peu paradoxal. Depuis deux ans, MM. Le Braz, Basch, Le Breton, Hovelaque, Buisson, Foucher, Jouffre de la Pradelle, Lichtenberger, Caullery ont suivi le chemin qu’il avait tracé. Cette année l’Alliance française d’Amérique a manifesté le désir d’entendre des professeurs-soldats. On lui a envoyé le capitaine Merlant, relevant à peine d’une grave blessure, et le sergent Coville, auxquels était réservé un accueil enthousiaste. L’exposition de San Francisco, à laquelle la France eut le bon goût de participer, fut pour la France intellectuelle l’occasion d’un hommage presque continu. Des conférences furent données ; et, à côté de ces conférences de quelque apparat, deux leçons françaises eurent lieu chaque semaine, faites par M. Delamare, secrétaire général de la Fédération de l’Alliance française en Amérique, et M. Chinard, directeur du département français à l’Université de San Francisco. Cette régularité tranquille d’un enseignement français, à San Francisco, en 1915,