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Joffre, école Dubail, école Albert-Ier. Ne pas désigner l’école par un nom de quartier avait été une mesure de précaution ; elle aboutit à ces choix heureux. Des caisses ou des fûts de Champagne servent de cloisons entre les différentes classes d’une même école. On a jusqu’à une salle de récréation et une salle de gymnastique. Dans l’école Dubail, la disposition est un peu différente. On est dans un cellier plutôt que dans une cave ; ce cellier est une vaste salle de 25 mètres de large et de 60 mètres de long. Elle est divisée par une bâche en deux parties : d’un côté, un cantonnement de troupes, de l’autre, l’école. Ainsi, même dans les sous-sols, université et armée fraternisent. Dans la partie réservée à l’école, quatre classes occupent chacune un angle du quadrilatère. Au centre sont les tout petits. Il y en a de deux ans. L’école Dubail est à 1 800 mètres de la première tranchée française. Deux instituteurs, dix institutrices, tous volontaires, font leur classe dans ces écoles souterraines. Le canon, dont le bruit arrive étouffé, fait à leurs leçons un accompagnement sourd auquel on est habitué.

Les petits écoliers de Reims ont eu une bonne presse. Des journalistes leur rendirent visite, puis des dames qui apportaient des bonbons. Il y a peu d’écoles où on ait mangé autant de bonbons depuis la guerre. Les puissantes maisons de Champagne, qui leur offrent l’hospitalité, les ont adoptés. Il y a eu, toujours dans les caves, arbres de Noël et cinéma. Les écoliers suisses leur ont écrit de jolies choses, auxquelles ils ont répondu. Ces distractions ne les empêchèrent pas de travailler et de passer avec succès des examens. L’ « Accueil français » leur procura des vacances. On s’attendait à ne pas les voir revenir. Les trois quarts revinrent, et ces enfans heureux rentrèrent dans la malheureuse ville en chantant. Leurs parens les attendaient groupés dans une de ces caves-écoles, lieu de réunion désormais consacré. Auparavant, il y avait eu la distribution des prix. Elle eut lieu à l’école Dubail. Le ministre de l’Instruction publique devait venir la présider ; il fut empêché. Le maire, le docteur Langlet, fut alors à l’honneur, comme il a été si souvent à la peine. L’idée même de cette fête souterraine, qui évêque les plus grands souvenirs, était heureuse. Il est conforme à notre humeur de narguer le destin et de sourire aux pires infortunes. A tous les élèves présens,