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immolée ; les instituteurs belges, avant que quelques-uns soient recueillis dans nos écoles même, sont dispersés et sans ressources. Immédiatement se fonde l’œuvre du « Franc des camarades belges. » Puis ce sont des Français eux-mêmes qui fuient devant l’invasion. Les instituteurs s’occupent de ce qui les regarde, des enfans de l’âge scolaire, et fondent l’ « Accueil français, » Par eux, les petits réfugiés sont placés, soignés, surveillés. Beaucoup en prennent à leur propre charge. Enfin, la guerre fait des veuves parmi les institutrices. Aussitôt des caisses de secours distribuant des allocations journalières sont créées. Une vive impulsion est donnée à cet esprit de solidarité par les Amicales des instituteurs et par la Fédération de ces Amicales. Les noms seuls de ces groupemens étaient connus du grand public et, faut-il l’avouer ? pas très avantageusement. On savait que des intérêts professionnels y étaient discutés avec quelque âpreté, et on y redoutait l’invasion de ce qu’on appelait — il y a très longtemps — le pacifisme. Nous sommes rassurés. La Fédération des Amicales vient de publier une plaquette charmante qu’elle vend au profit de l’« Accueil français. » La première image représente un soldat, un soldat-papa, dans son lourd manteau de factionnaire, qui fait la leçon à des enfans attentifs, levant le doigt pour insister sur l’importance du conseil qu’il donne. On devine quel est ce conseil, qui est de ne rien oublier. En réalité, dans ces Amicales, s’était développé un esprit corporatif qui a porté ses fruits. De ces œuvres il faut rapprocher le « Sou des lycées : » chaque élève est invité à apporter chaque semaine dix centimes. C’est sa contribution de guerre à lui, volontaire bien entendu, mais à laquelle la plupart, depuis deux ans, se soumettent avec une régularité toute militaire.

Nous dirons peu de chose de l’adoption du blessé par l’école, parce qu’il y aurait trop à dire. Le blessé fut pour l’enfant l’objet d’une tendresse fraternelle, de cette tendresse exaltée qui est souvent celle du petit frère pour le grand frère. Au prêt, pour lequel ils n’ont pas été consultés, de leurs écoles et de leurs lycées, nos élèves ajoutèrent, après coup, une intention à eux. Et quelle émotion quand ils durent (cela est déjà arrivé) rentrer dans ces salles où l’on avait souffert, et redevenues de simples classes ! Entre tous les blessés, ceux de leur école ou de leur lycée ont eu naturellement leurs préférences : pour eux toutes les gâteries, pour eux on se privé de dessert ou on