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dans un sens négatif ont amené leur rupture ; M. de Bismarck n’a pas admis le ravitaillement de Paris ; on a refusé à l’Alsace et à la Lorraine le droit d’intervenir dans les élections. Dans ces termes, d’un côté le démembrement de la France était admis en principe ; de l’autre, en mangeant vingt-cinq jours de vivres, Paris se livrait à la discrétion des Prussiens. Le gouvernement a refusé et a bien fait. Dans tous les rangs, dans toutes les classes, on a approuvé cette mesure. Le résultat publié dès dimanche, dans le Journal officiel, était accompagné d’un décret qui organisait trois armées, la garde nationale mobilisée, et deux autres commandées par le général Ducrot et le général Vinoy. C’est au général Trochu qu’est réservé le commandement dans son ensemble. Aujourd’hui, un nouveau décret détermine les catégories de gardes nationaux qui vont prendre aux opérations militaires une part active. C’est un effort suprême qui peut nous sauver. La province finira peut-être par comprendre que son sort est inséparable du nôtre ; nous ne pouvons pas nous débloquer par nos seules ressources ; mais la pensée d’une paix qui ouvrirait aux Prussiens les portes de Paris et leur livrerait la France ruinée, démembrée, déshonorée, cette seule pensée fait horreur. Ceux qui l’admettent comme possible en seraient inconsolables, une fois le fait accompli, et pour mon compte, malgré mon âge, je marcherai avec les autres. Ou nous serons vainqueurs, et j’en aurai ma part, ou la mauvaise fortune nous poursuivra jusqu’au bout et je n’aurai pas le remords d’avoir épargné ma vie.

« On parle des sympathies de l’étranger, j’y crois plus qu’à une intervention efficace ; ce qu’il y a de certain, c’est que, pour n’être abandonné ni de Dieu ni des hommes, il ne faut pas s’abandonner soi-même. J’espère encore que l’Europe comprendra son véritable intérêt ; j’espère que les sympathies du peuple russe entraîneront le Tsar et détermineront l’Autriche. Pour moi, sans être un fin politique, je ne puis penser que les neutres se soient avancés à ce point pour reculer devant une réponse insolente et dérisoire. » (9 novembre.)

Et l’attente interminable continue.


HENRY COCHIN.