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distinguent la patience de l’assentiment. Bientôt, nous ne pouvions nous méprendre : plus l’œuvre germanique était exposée d’ensemble, comme la destructrice d’une civilisation latine par l’origine et universelle par le bienfait, plus la conscience à laquelle nous faisions appel répondait à la nôtre. L’Espagne reconnaissait sa part de travail dans cette collaboration des peuples et des siècles. Parce que nous demandions audience au nom d’un passé et d’un avenir communs, elle comprenait que nous soutenions sa cause comme la nôtre, nos affirmations se répétaient dans les réponses qui nous étaient faites, notre foi à la dignité humaine, aux indépendances nationales, au génie providentiellement divers des races, était confirmée sans s’amoindrir par ces bouches étrangères, et gagnait même en éclat et en ampleur à passer de notre langue dans cette langue ample et sonore où les mots d’honneur et de devoir sonnent comme des clairons et se déploient comme des drapeaux.

Ce fut donc une seule chose pour ces Espagnols d’admettre que l’enjeu de la présente guerre est une civilisation, et de conclure que, pour le salut de la civilisation latine, ses défenseurs ne seraient jamais trop unis. De cette union, notre rencontre était un commencement. Sans doute, c’était peu que le passage de quelques Français dans quelques villes d’Espagne. Mais nous nous y adressions aux hommes de pensée et d’étude, les plus consciens de la dette contractée par toute nation envers les autres, et de la multiplication transformatrice qu’elles trouvent dans la solidarité. Contre la race unique dont toutes les énergies forgées dans un seul bloc préparent au genre humain une soûle chaîne, eux familiers des races diverses étaient les mieux préparés à notre requête de remettre en commun nos forces.

Pour trouver le modèle d’une entente plus intime, l’Espagne n’avait qu’à se souvenir. Sur son sol étaient debout les vieilles capitales de ces rapprochemens entre son intelligence et l’intelligence, son art et l’art, son âme et l’âme de la France. Nous nous rencontrions à notre tour où nos pères s’étaient rencontrés. Quand nous exprimions le regret que l’habitude de ce ? intimités se fût perdue, nous ne contestions pas que ce fût par notre faute, nous affirmions que, dans cette faute, il y avait de la négligence, sans oubli véritable ; que nous ne venions pas interrompre nos caprices d’abstention par le caprice d’une