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aptitudes, et eux doivent une renommée universelle à des aptitudes, que l’Allemagne ne possède pas. Tandis que l’Allemagne avait pour sa race les yeux de l’avare pour son trésor, la France répandait sur l’espèce humaine les prodigalités de ses sollicitudes. Tandis que l’Allemagne, pour se préférer à tout, enseignait le mépris du désintéressement, l’Espagne se faisait une tradition de préférer le droit à elle-même et poussait à l’héroïsme l’intelligence du sacrifice. Tandis que l’Allemagne enfantait les lettres et les arts, comme les fruits de sa faiblesse, quand elle était incapable d’action, les dédaignait dès le retour de sa force pour suivre son inspiration préférée, la violence, et de cette violence naturelle gardait la marque indélébile dans des brutalités incurables, l’Italie, mère de beauté, dans toutes ses fortunes enfantait le génie triomphant ou consolateur, et répandait la politesse élégante et douce des rapports entre les hommes.

À ces supériorités les trois peuples ont ajouté celle de comprendre que pour se compléter ils devaient s’unir. Tandis que l’Allemagne s’isolait, craignant de perdre ou de partager par tout mélange, ils s’agrandirent en faisant tomber autour d’eux les barrières. Les premiers ils consacrèrent la doctrine que les races diverses sont les familles d’une seule société, que la variété de leurs vocations, par ses plus fructueux labeurs, multiplie un trésor de vérité, de beauté, d’amour, et que cette richesse, accrue par chaque peuple pour le profit de tous, forme le patrimoine indivisible du genre humain. Durant plusieurs siècles, l’apport des trois peuples a suffi à la splendeur de la civilisation générale. C’est par la défaillance de cette civilisation latine envers elle-même, par les retours de l’égoïsme païen dans leur conscience rétrécie, que les autres peuples, relevant leurs murailles les uns contre les autres, se sont trouvés à la fois solitaires et ennemis, et que l’un d’eux a pu dire à tous : « Il n’y a de force que la mienne et de droit que le mien. » Son triomphe serait la défaite de la civilisation latine qui avait trouvé le secret de la victoire et, pour se défendre, doit revenir à son ancienne unité. Si l’adversaire a grandi, sa cause n’est pas devenue meilleure et sa provocation atteint maints peuples, qui jadis n’existaient pas encore et sont aujourd’hui parmi les plus grands. Les peuples latins doivent aux autres l’exemple de la solidarité. Qu’opposant à la solitude