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rappelle un jour où je songeais à lui, sans me douter de l’épreuve que sa vaillance allait me coûter ; doux, parce que je ne saurais évoquer la brusque fin de cette pure et courte vie, sous un autre aspect que celui d’un suprême épanouissement.

« Merci, commandant, de tout ce que vous me dites de mon cher petit soldat ; puisse sa mort glorieuse contribuer à la victoire de notre France, alors je m’agenouillerai, et une fois de plus je dirai : merci !

« Mon cœur de mère reste brisé devant la mort de cet enfant de vingt ans qui était toute ma joie. Ah ! comme à la fois on peut être lier et malheureux !

« Voulez-vous, commandant, être mon interprète auprès de tous ceux qui gardent le souvenir de celui qui est tombé pour la patrie, et leur dire que ma pensée va souvent vers cette terre de Lorraine si chère aux âmes françaises.

« Recevez, commandant… »


Un suprême épanouissement, dit-elle ! Il semble, en effet, que nous n’ayons connu que des chrysalides et que tout un peuple déploie ses ailes. La France éternelle se dégage. C’est pour elle que les fils de France meurent d’une mort pieusement acceptée par les mères.

Une femme du peuple est avertie de la mort de son mari au champ d’honneur, tandis qu’elle tient dans ses bras son enfant qu’elle allaite. Elle chancelle, se redresse et crie : « Vive la France ! » en soulevant son fils vers le ciel… Fils des martyrs, fils de trente générations pareilles, tu vivras demain dans la France de la victoire.


MAURICE BARRES.