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Winnipeg. S’ils ont abandonné un pays riche et un pacifique emploi pour s’en aller par-delà les mers affronter la mort dans la boue sanglante des tranchées, si une famille, celle de M. Bouclier, issue des premiers fondateurs de Trois-Rivières, a vu successivement partir sept de ses fils, croirons-nous qu’ils ont agi par un calcul d’intérêt ? Aux actions généreuses chercherons-nous de misérables motifs ? Allons donc ! Le sentiment qui les entraine est celui qui enflamme autour d’eux toutes les âmes, sentiment fait d’enthousiasme et d’indignation, ivresse de combattre pour une cause juste, pour tout ce qui fait la vie digne d’être vécue, impérieux désir de venger les victimes et de châtier les bourreaux. Ainsi qu’en Angleterre, à chaque nouveau crime de l’Allemagne le nombre des enrôlemens s’est accru, et en particulier après l’assassinat de miss Cavell. Lorsqu’on en connut toutes les circonstances, on frissonna d’horreur. On ne se contenta pas de célébrer des services funèbres. Des habitans de la Nouvelle-Ecosse envoyèrent à M. Hughes un chèque de 35 000 francs destiné à l’achat de mitrailleuses, avec celle mention : « Pour venger miss Cavell » (to avenge miss Cavell). Depuis l’invasion de la Belgique, plusieurs villes avaient une « avenue de Liège » ou une « avenue de Louvain. » Cette fois, la ville d’Hamilton proposa de lever un régiment qui porterait le nom de la douce et sainte fille : Cavell Battalion.

C’est celle exaltation des esprits qui a permis au gouvernement de suffire à sa tâche, et de faire face à des dépenses qui se chiffraient par milliards. Il a établi des impôts nouveaux, des taxes sur les bénéfices de guerre, et pas une protestation ne s’est élevée. Il a dû recourir à trois emprunts, et toujours il a obtenu plus qu’il ne demandait. Lors du premier emprunt qui devait être de 250 millions, il en a recueilli 500. Il lui est devenu possible, non seulement de payer la solde et les allocations promises, non seulement de pourvoir à tous les besoins de l’armée, mais encore de songer à nous. Il a donné 500 000 fr. pour l’hôpital de Dinard. Il a fondé à Saint-Cloud un hôpital de 1 500 lits qui est ouvert depuis le mois de mars, et dont il a pris à son compte tous les frais. Il est vrai que l’Université Laval l’a aidé à en recruter le personnel médical. Tout le monde l’aide. Personne ne se désintéresse de la grande lutte et ne veut rester les bras croisés. Fonds patriotique canadien, Canadian War Contingent Association, France-Amérique, Union