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organisées en profondeur, garnies par une troupe nombreuse, déterminée, bien ravitaillée, l’assaillant a été condamné à un échec, quand le terrain et parfois l’infériorité numérique l’ont empêché d’esquisser ou d’exécuter une menace d’enveloppement. Masséna fut impuissant à Torres-Vedras, comme Savoff à Tchataldja ; mais Oyama contraignit Kouropalkine à la retraite parce que la manœuvre débordante était possible autour des grands fronts fortifiés de Liao-Yang et de Moukden. Le théâtre de la guerre mondiale est bien plus vaste que celui de Mandchourie ; les combinaisons stratégiques doivent donc augmenter d’ampleur en conséquence, et le dénouement doit être cherché à la fois du côté cour et du côté jardin.

Depuis les tentatives infructueuses des Allemands sur l’Yser, on sait chez nous que la simultanéité des efforts est la condition essentielle du succès. Mais on a longtemps escompté, pour diverses raisons, les effets de la bravoure des exécutans, de la supériorité locale et momentanée des effectifs et du matériel, de la surprise ou de la démoralisation de l’ennemi. Nous avons ainsi livré quelques batailles, en Artois et eu Champagne notamment, qui, si elles changèrent peu les situations respectives des adversaires, ont permis d’établir pour les rencontres prochaines une doctrine dont les événemens de Verdun ont démontré la valeur.

Toute opération offensive, si minime soit-elle, est devenue peu à peu une affaire très compliquée. Il ne s’agit plus de recevoir un ordre d’attaque, de le transmettre pour exécution, d’entraîner son monde en avant selon les principes des anciens règlemens, et de tomber à bras raccourcis sur l’ennemi. Pour les grands chefs, c’est le choix des directions de marche et de la zone de manœuvre qui exige des calculs minutieux et précis ; C3 choix lui-même ne pourra être fait qu’au dernier moment, car les conditions diplomatiques et militaires varient sans cesse. Or il convient de ne pas être pris au dépourvu. Aussi fait-on « aménager » simultanément plusieurs « champs de bataille » dans les régions désignées par l’expérience des événemens antérieurs. Pendant plusieurs semaines, les troupes au repos creuseront les voies d’accès, les places d’armes ; elles construiront les batteries vraies ou simulées, les dépôts de munitions, les magasins, les hôpitaux ; les lignes de ravitaillement et d’évacuation seront préparées ; les journaux discuteront diverses