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Voilà pourquoi les universités anglaises sont vides, les cours déserts, les laboratoires dépeuplés. Voilà pourquoi, dans la cérémonie annuelle de la collation des grades, bien peu nombreux sont ceux qui « prennent le degré » de maître ès arts ou de bachelier. Et dans cette solennité même, un trait est bien caractéristique. Conformément aux règles du vieux rituel universitaire, les candidats s’agenouillent toujours pieusement devant le vice-chancelier, qui leur impose sur la tête le livre des Evangiles ; les proctors font toujours, tout le long de Convocation House, la promenade traditionnelle où jadis tout créancier trouvait le moyen de faire opposition à la collation ; et toujours les formules séculaires se répondent en un latin solennel. Mais sous les costumes universitaires des candidats, sous le capuchon rouge des maîtres es arts, sous l’hermine des bacheliers, des uniformes apparaissent. La moitié au moins des récipiendaires sont des soldats. Et ainsi, jusque dans les plus vénérables, dans les plus paisibles cérémonies de l’Université, brusquement l’image de la guerre surgit, et l’heure présente met son angoisse.


Ne croyez pas toutefois que, si la vie universitaire est presque interrompue, l’animation ait cessé dans les villes d’université anglaises. Dans les halls des collèges, au-dessous de l’estrade où viennent chaque soir prendre place, pour dîner, les professeurs, — les dons, comme on dit à Oxford, — si les tables des étudians sont presque vides, le reste du réfectoire est rempli de soldats. Des soldats sont logés, par centaines, dans les calmes appartenions qu’occupaient les élèves. Dans les grandes cours silencieuses résonne le pas cadencé des sections en marche ; les jardins, les cloîtres sont pleins d’uniformes, et la vieille bibliothèque de Pembroke semble devenue un bureau d’état-major. C’est que, depuis le commencement de la guerre, des écoles de cadets ont été instituées dans toute l’Angleterre pour la préparation et l’instruction des futurs officiers. À ces écoles (on en compte 11 pour l’infanterie, 3 pour la cavalerie, 3 pour l’artillerie) les grandes universités anglaises, Oxford, Cambridge, Londres, ont offert avec empressement l’hospitalité de leurs collèges, les terrains de manœuvre nécessaires, et une partie même des instructeurs, empruntés au personnel des Officers training Corps, Des officiers de l’armée régulière, parfois revenus