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l’Allemagne, il va de soi que celle-ci résistera, sur ce point, jusqu’à l’extrême limite de ses forces. Dans la rétrocession de-l’Alsace-Lorraine, il ne se pose pas seulement, pour elle, une question de chauvinisme national, ou une difficulté stratégique de défense ultérieure : il y a une considération d’ordre industriel, importante en temps de paix, peut-être vitale en cas de guerre. Nous devons donc prévoir, dans un cas où notre sentiment national est irréductible, une résistance obstinée. La question lorraine serait beaucoup plus simple, ce qu’on ne doit pas ignorer, si les minerais de fer lorrains n’existaient pas.

Comme ces minerais existent, il se pose à nous un certain nombre de questions graves, parfois angoissantes, qui s’enchaînent les unes aux autres et que nous devons aborder en face, sans réticences ; car elles vont se poser à nous, à nos négociateurs, et l’attitude qui sera adoptée à leur égard entraînera des conséquences lointaines pour l’avenir de nos descendans. Ces questions, que j’énumère d’abord pour en montrer la succession et dont la succession même fera suffisamment prévoir mes réponses, sont les suivantes : Devrons-nous nous montrer inflexibles dans les discussions économiques relatives aux minerais de fer lorrains : sujet d’apparence secondaire pour nous, vital pour nos adversaires ? Si nous repoussons l’idée de toute transaction, si nous nous réservons tout le fer, devrons-nous ensuite le conserver avec économie, avec parcimonie, pour un avenir lointain, ou le dépenser le plus vite et le plus avantageusement possible ? Enfin, si nous nous décidons à cette utilisation rapide, quels en seront les moyens ? ! La première question est assurément la plus délicate ; c’est aussi la seule qui sorte du domaine économique pour se lier étroitement aux opérations militaires et, par conséquent, à un développement de faits encore incertains. Il ne faut pas ici nous placer dans l’absolu, mais dans le relatif et, puisque nous parlons industrie, il faut raisonner en industriels, c’est-à-dire envisager toutes les éventualités, peser tous les argumens, prévoir toutes les objections, sauf à les négliger ensuite de propos délibéré, mais en connaissance de cause, pour adopter la solution de tout le monde, si nous jugeons y avoir avantage.

Actuellement, la guerre se déroule avec ses hasards journaliers et, quelles que soient notre certitude raison née de vaincre, notre conviction sans cesse accrue de réduire un jour