Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 34.djvu/344

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Hagondange, les Rombacher Hültenwerke, les aciéries de Wende La Hayange, celles de Moyeuvre-Grande, Uckange, Ottange, etc. ; elle nous ferait voir les usines de Westphalie alimentées en grande partie par la minette lorraine.

Mais alors, devant ce bel ensemble si florissant des deux côtés de la frontière, on est conduit à se poser une question qui revient sans cesse à l’esprit quand on cherche par quelle folie les industriels allemands ont pu pousser à la guerre actuelle. Avec leurs 21 millions de tonnes d’extraction annuelle en Lorraine, avec leurs 2 100 millions de tonnes de réserves qui leur assuraient à ce taux un siècle d’extraction, qu’avaient-ils besoin de nous piller ? Un siècle, c’est quelque chose en industrie, quoique ce soit une courte période dans la vie d’un peuple. S’il leur fallait des minerais de plus, n’avaient-ils pas, jusqu’à l’excès, toutes facilités de se procurer les nôtres ? Pour comprendre cet état d’esprit singulier, ou plutôt pour s’expliquer comment leur outrecuidante présomption de maîtriser le monde a pu se particulariser sur ce point, il faut faire deux observations sur la nature des minerais allemands et sur le calcul « des réserves.

Tout d’abord, en ce qui concerne les minerais, remarquons qu’un chiffre de tonnage n’est pas tout. In minerai de fer ne peut pas toujours en remplacer un autre. Il se trouve que tous les minerais des Allemands et tous ceux qu’ils peuvent faire venir de Suède ou de Norvège sont siliceux. Ce n’est pas s’attacher à un simple détail de chimie, c’est faire une constatation essentielle que d’en tirer la conclusion logique : l’addition de minerais calcaires lorrains, tels que ceux de Briey, était pour eux une nécessité.

Quant au temps que peuvent durer les réserves allemandes, ce temps n’est en aucune façon calculable en se fondant sur l’exploitation de la dernière année. Il faut tenir compte d’une progression analogue à celle qui double les grains de blé de case en case sur un échiquier. Reportons-nous en arrière et comparons les productions de la Lorraine allemande à dix ans de distance : 3 millions de tonnes en 1880, 4,5 en 1890, 7,5 en 1900, 14,8 en 1910, 21 en 1913. Traçons maintenant la courbe représentative et prolongeons-la par continuité ; nous arriverons à cette conclusion que l’Allemagne s’était mise sur le pied d’épuiser ses mines lorraines vers 1950 à 1960, c’est-à-dire dans un délai extrêmement bref ; ou bien alors il lui aurait fallu