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sont les distributeurs d’allocations, et apportent, dans cette tâche difficile, l’esprit de justice scrupuleuse dont le maniement ordinaire des enfans leur fait une obligation et une habitude. L’instituteur est, en outre, selon les communes, garde champêtre, appariteur municipal, afficheur public, directeur du fourneau économique ou de la soupe populaire, gérant de la boulangerie coopérative, et presque partout facteur de la poste. Il offre ses bras au cultivateur, et les maîtres qui moissonnent acquièrent, de ce fait, dans le village, un surcroît d’estime. Il offre aussi les bras des autres, car il sait organiser et discipliner. Dans les Basses-Alpes, c’est une institutrice qui crée une association de volontaires pour faire la moisson des mobilisés de la commune. Dans l’Isère, des instituteurs fondent, pour le même objet, une société de la « Jeunesse agricole et scolaire. » Dans les Côtes-du-Nord, une œuvre du même genre est créée pour les « Semailles d’automne. » Voici l’emploi du temps d’un maître, pendant une, journée d’août 1914, tel qu’il l’établit pour son inspecteur primaire :


De cinq heures à huit heures du matin, service à la mairie, pour renseignemens au public, laissez-passer aux ouvriers et autres. De huit à neuf heures, rapport à M. le maire sur les faits de la veille et de la nuit. De neuf heures à midi, reprise du service du matin et, au besoin, aide aux mairies voisines. De une heure à trois heures du soir, même service. De quatre à cinq heures, distribution du pain à la boulangerie ouvrière. Entre temps, je dois assurer l’aide au gérant du téléphone, je suis garde auxiliaire, je copie les dépêches officielles, je tiens les comptes et fais les recouvremens de la boulangerie, je signe un tas de papiers par ordre du maire, de sorte que ma journée se termine habituellement entre dix et onze heures du soir, ceci sans m’en plaindre, estimant que ce n’est que faire son devoir de mettre en ce moment toutes ses forces au service du pays.


L’inspecteur d’académie de Meurthe-et-Moselle a donc raison de dire des instituteurs secrétaires de mairie : « Eux aussi, ils ont fait campagne. »

Tout cela n’est cependant jusqu’ici que de la besogne matérielle. Leur rôle moral est autrement intéressant. L’instituteur est celui qui renseigne, car tout le monde ne reçoit pas de journaux quotidiens, et qui explique. Il commente le communiqué, et le répand, le copiant lui-même à plusieurs exemplaires. Il fait une carte du théâtre de la guerre, et guide les regards anxieux à la suite de nos troupes. Comme il reste