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prendre sa revanche. Mais si l’intelligence humaine se laisse tromper sur ce qui est le bien et le mal du genre humain, si la raison donnée à l’homme pour le conduire s’égare, si la lumière l’aveugle, où est le remède ? Tandis que la violence exerce sur la matière seule un empire impuissant sur l’esprit, le sophisme s’empare de la volonté même et, sous apparence de se soumettre à elle, la soumet à ce qu’il persuade. Tandis que la violence a le bras court et, même où elle atteint, se lasse par la durée de son effort, le sophisme gagne d’avance les intelligences aux faits qu’il prépare, trouve à conquérir partout où elles pensent, et, loin de s’affaiblir, se fortifie de toutes les adhésions qui le propagent. Qu’une confiance crédule se laisse prendre au piège tendu par l’Allemagne, que la tentatrice déconcerte par l’ostentation de sa force, qu’elle séduise par l’apparence de son infaillibilité, qu’elle abuse sur les suites de son empire, qu’elle donne à la servitude universelle un air d’avantage général et de nécessité invincible, le vœu ou la soumission de tous conspireront avec le régime le plus humiliant et le plus funeste pour le monde.

« C’est contre ce péril qu’il faut défendre les intelligences et que nous voudrions lutter. La doctrine qui le prépare se recommande de la philosophie, de la science, de l’histoire, d’une évolution naturelle. Ceux qui ont quelque droit d’engager l’histoire ; la science et la philosophie sont mis en demeure de répondre. Les principales Universités d’Espagne nous ouvrent leurs chaires et l’opportunité de rapports avec les professeurs, les étudians, et la minorité éducatrice qui aime les idées, les reçoit et les répand. Par les sujets de nos leçons, un démenti sera opposé à certains postulats du mensonge qui tente de servir la tyrannie universelle. Nous le combattrons d’une parole plus libre et plus directe dans les réceptions auxquelles nous sommes conviés déjà, dans les banquets où l’on désirera nous entendre, et dans les entretiens particuliers. Et nous tentons l’épreuve en Espagne, parce que, de tous les peuples peut-être, le plus contraint par son caractère, par ses croyances, par ses gloires à répudier toute mainmise d’une race sur l’indépendance des autres races, est le peuple espagnol. »

C’est ainsi qu’il y a bientôt deux mois, MM. Perrier quittant le Muséum, Bergson le Collège de France, Widor le Conservatoire, et Imbart de la Tour ses livres sur la Réforme, passèrent