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de fixer les baïonnettes. On atteignit ainsi une petite crête d’où l’on était vu en plein. Les Allemands ouvrirent le feu, mais trop haut. Aussitôt les Canadiens se précipitèrent à la charge. L’ennemi rectifia le tir, et la première ligne des assaillans sembla fondre. Mais la seconde ligne se jeta sur le bois, qui fut nettoyé par un combat sauvage. La position était prise, mais elle se trouva intenable, et les Allemands y rentrèrent.

A quatre heures du matin, le 23, les Allemands lancèrent un nouveau nuage de chlore. Puis ils débouchèrent du bois de Saint-Julien. Ils furent reçus par la première brigade canadienne jusque-là en réserve. Il était six heures du matin. Sous la pluie d’obus et de balles, un bataillon canadien flotta. Le lieutenant-colonel qui le commandait, le ralliait avec calme, une badine à la main. Il fut tué, mais ses hommes se jetèrent en avant. A onze heures du matin, la ligne devant la gauche était fixée de Saint-Julien à Boesinghe.

Pendant ce temps, la brigade de droite de la division canadienne était restée sur ses anciennes positions, près de Brodseinde. Le recul de la 3e brigade la découvrait complètement. Il fallut donc qu’elle pivotât en repliant sa gauche, afin de rester en liaison. Cette manœuvre, délicate dans un pareil moment, fut bien exécutée ; mais la ligne était à peine constituée, qu’à midi les Allemands tentaient de la percer en plein centre, à Saint-Julien. Ils prirent le village ; de nouveau, la situation était critique. Cependant, les renforts accouraient à toute vitesse ; à la gauche, dans l’après-midi du 24, les zouaves, avec les carabiniers belges, reprenaient Lizerne ; le canal était franchi, et il s’en fallait de peu que Pilkem fût enlevé. Le 25, les Français à gauche, la 2e brigade canadienne à droite, tenaient bon ; mais le sort du centre restait encore très douteux. Le 26, il était repoussé jusqu’au-delà de Fortuin, tandis que la droite fléchissait à son tour et perdait Brodseinde. Mais les troupes fraîches arrivaient, après une marche forcée ; la division de Lahore avait fait cinquante kilomètres en vingt-sept heures. A dix heures quinze, la contre-attaque britannique commença contre Saint-Julien et le bois, tandis qu’à gauche les coloniaux français attaquaient Pilkem, et que plus loin encore d’autres unités françaises combattaient dans la région de Lizerne. Les Allemands se défendirent avec des nuages de gaz. Ce fut un combat extraordinaire. Les hommes devenaient